Bibliothèque idéale n°35 : la bande dessinée
Lagaffe nous gâte (1977) d’André Franquin (Dupuis. 1977)
Avec celle consacrée à la littérature jeunesse, la bande dessinée est sans doute la catégorie de la « bibliothèque idéale » qui a le plus mal vieilli. Publié en 1988, l’ouvrage a, effectivement, été rédigé avant l’éclosion de la « nouvelle BD » et l’on ne trouvera donc aucun de ces nouveaux albums qui ont renouvelé le genre sous la plume de Trondheim, Sfar, Satrapi, David B., Christophe Blain et beaucoup d’autres (songeons aussi aux talentueux dessinateurs de la bande à Tchô, que ce soit Zep, Tehem ou Boulet, une vieille connaissance !). On ne trouvera pas non plus de mangas (pourtant, Tanigushi…) ou certains grands noms de la BD américaine comme Art Spigelman (en 1988, Maus avait pourtant commencé de paraître en France).
Puisque le choix proposé ici est particulièrement académique (c’est d’ailleurs un peu le problème du livre !), nous nous sommes replongé dans les classiques.
Je dois vous confesser une chose : je ne suis pas un grand fan de Tintin (le boy scoutisme d’Hergé m’agace un peu, comme cette manière qu’a son héros asexué d’évangéliser les nègres ou les chinois !), ni d’Astérix (un petit peu trop franchouillard à mon goût), ni même de Lucky Luke (j’ai tendance à préférer au héros les vrais personnages mythiques qui ont existé et qui ont toute mon estime : les Dalton, Jesse James ou l’excellente Calamity Jane).
Attention, je ne nie en aucun cas le talent (voire le génie) des dessinateurs et scénaristes qui ont concocté ces séries mythiques mais aucune n’arrivera à détrôner dans mon cœur les aventures de Gaston Lagaffe, le plus sympathique héros de BD de tous les temps.
Je suis mal placé, n’étant pas un grand spécialiste de la bande dessinée, pour vous parler de ce fabuleux auteur que fut Franquin (j’ai été marqué, adolescent, par ses sublimes Idées noires) et de la qualité de son trait.
Par contre, je pourrais (je ne le ferai pas, rassurez-vous !) être intarissable dans mes éloges de son héros.
Gaston, c’est le héros de BD qui a appliqué avec le plus de talent le célèbre adage de Raoul Vaneigem : « Apprenez à créer, ne travaillez jamais ». Si notre hilarant hurluberlu a une sainte horreur de son travail de bureau qui le pousse à roupiller le plus souvent et à amasser des tonnes de courrier en retard ; il s’applique, de la même manière, à inventer les gadgets les plus farfelus, les plus insolites et les plus poétiques. Car Gaston est un poète, un doux rêveur et un véritable anarchiste. Ô ! Ce n’est pas Ravachol ni un adepte de la propagande par le fait (encore que dans Lagaffe nous gâte, une de ses inventions se transforme malencontreusement en explosif et menace dangereusement la voiture présidentielle !) mais il ne se prive jamais de faire tourner en bourrique la maréchaussée (cet inénarrable flic auquel il est sans arrêt confronté) et de ruiner les parcmètres ; de gâcher régulièrement les contrats des gros commerciaux (l’inénarrable De Maesmaker) et de lutter contre l’abrutissement des tâches quotidiennes.
Dans un autre album que j’ai acheté dans la foulée (Lagaffe mérite des baffes), on ressent également les préoccupations écologistes de Franquin (Lagaffe est le grand ami des bêtes) et, chose rare, nous voyons Gaston s’agacer des gadgets militaires vendus avec les albums de Spirou !
Inutile d’aller plus loin : vous avez compris que j’ai pris un énorme plaisir à redécouvrir les aventures de Gaston que je n’avais point relues depuis ma tendre enfance (je pense d’ailleurs me racheter toute la collection !) et de retrouver tous ces personnages mythiques (les collègues Prunelle et Lebrac, la belle Mademoiselle Jeanne, le voisin Jules…) et ces inventions (le gaffophone) et divers objets (le bilboquet, la boule de bowling…) à l’origine de nombreuses gaffes.
Gaston, c’est la paresse inventive, l’anarchie douce et la poésie incarnées. Un personnage unique dont les aventures n’ont pas pris une ride tant elles resplendissent du sourire malicieux de l’enfance.
NB : Je pense que certains de mes (rares) lecteurs fans de BD vont se faire plaisir dans cette catégorie alors n’hésitez pas : quelle(s) bande(s) dessinée(s) pour la « bibliothèque idéale » ?
Libellés : BD, Bibliothèque idéale, Franquin, Gaston Lagaffe