La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

mardi, juillet 15, 2008

Bibliothèque idéale n°29 : l'écrivain et son oeuvre

Une insolente liberté : les aventures de Casanova de Félicien Marceau (Gallimard. 1983)


J’arrive dans des catégories de la « bibliothèque idéale » où il n’est pas forcément facile de dégotter les titres conseillés. Du coup, en attendant de trouver une biographie d’écrivain (que j’ai fini par acheter sur un site de vente en ligne !), j’ai dévoré trois livres que je vous recommande chaleureusement :

1- Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable de René Riesel et Jaime Semprun. Bonne nouvelle : les anciens situationnistes sont toujours sur le pied de guerre et ils n’ont rien perdu de leur verve. Cet essai publié par les indispensables éditions de l’encyclopédie des nuisances est absolument nécessaire pour comprendre comment le système joue la carte de la peur et du catastrophisme (réchauffement climatique, désastres écologiques…) pour se renforcer et soumettre les individus à son idéologie repeinte en vert. Vous ne trierez plus vos déchets de la même manière après avoir lu ce livre !

2- La vie est belge de Jan Bucquoy. Peut-on parler de « mémoires » à propos de ce livre écrit par un touche-à-tout scénariste de BD, cinéaste mais aussi créateur du musée de la femme et du musée du slip ? Pas vraiment mais on s’en fout ! Rédigé alors qu’il était en prison après son coup d’état annuel manqué, La vie est belge est un livre poilant, totalement irrévérencieux et subversif, dans la grande tradition de l’anarcho-surréalisme belge !

3- L’odieux tout-puissant. Roman de gare (édité chez la Brigandine) absolument désopilant et farouchement mécréant. Ecrit par Jean-Pierre Bouyxou sous le pseudonyme de Georges le Gloupier, cette fable libertaire vaut qu’on s’y arrête. Mais nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler sous d’autres cieux !

Mais revenons à notre bibliothèque idéale. Si l’on excepte l’essai que Chesterton a consacré à Chaucer, je ne possédais jusqu’à présent aucune monographie d’écrivain (eh non !). La sélection proposée ici n’est pas franchement très heureuse et j’aurais sans doute été plus excité à l’idée de lire la biographie d’Alphonse Allais par Caradec, celle de Mirbeau par Pierre Michel et Jean-François Nivet ou encore celle de Fourier par René Schérer. Las ! Ne trouvant pas vraiment mon bonheur, je me suis rabattu sur ces aventures de Casanova par l’académicien (glurb !) Félicien Marceau.

Si vous n’avez pas lu les Mémoires de Casanova, je vous recommande de le faire toute affaire cessante : c’est un pur régal. Loin des clichés désormais associés à ce nom, on peut y découvrir les aventures d’un homme brillantissime et drôle, incroyablement libre. Même si le nombre de ses conquêtes amoureuses n’est pas qu’un mythe, Casanova (Félicien Marceau le souligne à juste titre) est l’anti-Don Juan : son amour des femmes (et parfois même des hommes !) n’a rien d’un défi contre la divinité et on ne le sent jamais « ennemi » de ses conquêtes : c’est au contraire un ami précautionneux et sincère.

Dans Une insolente liberté, Félicien Marceau nous fait revivre les aventures du séducteur à travers toute l’Europe. Il nous raconte en détails les principaux évènements de sa vie : l’adolescence à Venise et la prise de l’habit ecclésiastique (Casanova commença comme abbé !), les voyages à Rome et à Paris, son goût du jeu et des sciences occultes, son incarcération sous les Plombs de Venise et son évasion spectaculaire, ses nombreux voyages qui l’amèneront à croiser le cardinal de Bernis, Crébillon et Voltaire, à fréquenter la Cour de Louis XV et à rencontrer Frédéric II, Catherine de Russie et le pape.

Bien entendu, Marceau s’arrête aussi sur le principal élément des Mémoires, à savoir les conquêtes féminines de Casanova, en revenant sur le caractère parfois rocambolesque qui lui permit de parvenir à ses fins (coucher avec deux religieuses sous le regard concupiscent de Bernis !).

Le livre n’est pas désagréable mais son principal défaut, me semble-t-il, c’est qu’il est redondant. Autant une biographie d’écrivain se justifie lorsqu’on ne connaît pas grand-chose de sa vie et qu’il peut être intéressant de montrer comment cette vie a nourri une œuvre, autant le projet de réécrire une histoire déjà racontée par un écrivain me paraît un peu curieux. Certes, Félicien Marceau confronte les Mémoires de Casanova avec d’autres documents historiques pour tenter de montrer ce que le séducteur a pu broder par rapport à la réalité mais ces tentatives m’ont paru parfois presque relever du rapport de police et dessécher ce que l’histoire de ma vie peut avoir de truculent et de relevé.

En revanche, la manière dont Marceau « cerne » le personnage me semble assez juste : Casanova n’est ni un révolté, ni un révolutionnaire mais un individu qui vit totalement en-dehors de la morale. Il ne s’agit pas de la nier (Casanova reconnaît les lois morales) mais à mesure de ses aventures, on se rend compte qu’il y reste totalement étranger. Casanova est toujours dans l’action et reste toujours étanche à des principes qu’il ne réfute pourtant pas (ce qui le conduira d’ailleurs, sans vergogne, à avoir des aventures homosexuelles ou à commettre sans remords l’inceste !).

Et c’est d’ailleurs ce qui séduit dans le personnage : cette sorte « d’innocence » dans l’insolence et l’absolue liberté dont il fait preuve, sans pour autant la revendiquer mais en se contentant de la vivre…

A vous de jouer : quelle biographie vous paraît nécessaire pour agrémenter notre « bibliothèque idéale » ?

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3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Le Casanova de Marceau est un bon choix. Dans les biographies d'écrivain, j'en ai lu beaucoup, j'aime que celle-ci, par son écriture, donne, en plus de son exactitude, une odeur du style de l'auteur dont elle détaille la vie. C'est pour cela que je placerais dans ma bibliothéque idéale Sagan à toute vitesse de Marie-Dominique Lelièvre (édition Denoel) et le Proust de Ghislain de Diesbach, le plus proustien des biographe du grand Marcel. En outre ces deux livres brossent avec talent toute la toile de fond devant laquelle l'écrivain évolue. L'émotion pour le sagan et l'humour pour le Proust ne sont pas oublié. Les deux tomes du Montherlant sans masque de Sipriot chez Robert Laffont sont également très bien mais leur écriture a moins de brio que les deux autres livres

Bernard Alapetite

7:19 AM  
Blogger Dr Orlof said...

Merci Bernard pour les commentaires réguliers sur ce site : je ne prends pas toujours la peine d'y répondre mais je les lis toujours avec grand intérêt...

7:11 PM  
Anonymous Anonyme said...

Comme toi, j'ai assez peu de biographies d'écrivains mis à part quelques volumes de la belle collection "Génies et réalités" (Proust, Hemmingway, St Exupery)et Brassens par Brassens. Pour aller dans une autre direction, je recommande les livres de Numa Sadoul sur Hergé (Tintin et moi) et Moebius (Mister Moebius et Dr Gir).

9:54 PM  

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