La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

dimanche, septembre 28, 2008

Bibliothèque idéale n°41 : Enigmes et grandes affaires

1888, Jack l’Eventreur et les fantasmes victoriens (1987) de Roland Marx (Editions Complexe. 2007)

La catégorie « énigmes et grandes affaires » n’est pas, loin s’en faut, celle qui me passionne le plus dans la « bibliothèque idéale ». Que choisir ? Dreyfus ? J’en ai suffisamment soupé ! Calas ? Voltaire m’ennuie (et vlan ! ça c’est de la critique !), Stavisky ? Pourquoi pas, mais le livre de Kessel est fort difficile à trouver. Je me suis donc rabattu, en admirateur sincère des films macabres britanniques de la Hammer, sur les exploits de Jack l’éventreur, ce tueur sadique qui alimenta tous les fantasmes (on lui attribua beaucoup plus que les six crimes qu’il a effectivement commis) et dont l’identité n’a toujours pas été révélée, malgré toutes les hypothèses.
Roland Marx, spécialiste de l’histoire britannique, revient d’abord sur le fait divers et fait le point sur les diverses hypothèses avancées dans l’enquête. Parmi ces hypothèses, l’idée que Jack ne fut pas un seul individu mais un groupe de malfaiteur ou qu’il était un jeune bourgeois névrosé qui finit par se suicider. Certains allèrent jusqu’à prétendre qu’il fut un haut personnage, éliminé discrètement lorsque son identité fut découverte pour ne pas nuire à la couronne. Enfin, beaucoup voulurent voir en Jack l’Eventreur un scientifique en raison de son « savoir anatomique » dont témoignèrent les atroces mutilations dont il gratifia les pauvres prostituées tombées entre ses mains.
Mais le réel objet de l’essai est moins une énième tentative pour percer le mystère du tueur en série qu’une histoire des mentalités anglaises à l’époque de la reine Victoria. C’est moins Jack qui intéresse Marx que le tableau d’une société dans laquelle a pu naître un tel « mythe ».
L’historien revient d’abord sur le caractère assez spécifique de Londres à une époque où la révolution industrielle place tous les espoirs dans le progrès. On y découvre une ville aux allures de monstre tentaculaire, intensément polluée et noyée dans un « smog » permanent. Marx y décrit les conditions de vie miséreuses dans les quartiers mal famés d’une capitale où l’on meurt énormément de maladies respiratoires.
Après avoir décris cet espace urbain hanté par la mort, le sexe et la maladie ; Roland Marx propose un panorama synthétique des grands principes de la société victorienne. Primo, l’attachement à la couronne, deusio, les valeurs ancestrales sur lesquelles s’appuie toute cette société puritaine : la famille, la propriété, le travail, la religion (on a connu programme plus godant !). Il montre ensuite comment s’effrite peu à peu, à cette époque, toutes ces valeurs et les peurs que cet écroulement (plus fantasmé que réel, comme le précise fort justement l’auteur dans sa conclusion) a pu générer.
D’une certaine manière, les crimes de Jack l’éventreur personnifie ces angoisses d’un monde livré aux « rouges », où la religion cesse d’avoir une emprise décisive sur les esprits et où commencent à s’améliorer les conditions sociales.
L’essai n’est pas inintéressant (loin de là) mais il me semble que Roland Marx a plaqué un brin artificiellement son histoire de Jack l’éventreur pour attirer le lecteur sans pour autant traiter véritablement son sujet. De la même manière, on se serait volontiers dispensé de quelques remarques d’un puritanisme stupide quant à l’exploitation morbide du fait divers par les journaux et le cinéma. Jack l’éventreur est, effectivement, un mythe assez fascinant et il me paraît normal que les artistes aient tenté d’en explorer toutes les ambiguïtés, aussi bien les caractères répugnants que ceux qui peuvent fasciner.
Mais c’est un autre débat…
Avez-vous quelques livres à me proposer dans la catégorie « Enigmes et grandes affaires » ?

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vendredi, septembre 26, 2008

Bibliothèque idéale n° 40 : Révolte, révolutions et contre-révolutions

Hommage à la Catalogne (1938) de George Orwell (10/18. 2003)


Nous voilà enfin de retour pour poursuivre (et terminer) notre cheminement à travers les rayons de la bibliothèque idéale. Et puisque il est l’heure d’aborder le thème « Révoltes, révolutions », pourquoi ne pas rendre hommage à un livre cité en commentaire il y a peu par Vincent, à savoir l’admirable témoignage de George Orwell intitulé Hommage à la Catalogne.

Du grand écrivain britannique, je n’avais jusqu’à présent lu que les merveilleuses fictions antitotalitaires, que ce soit La ferme des animaux (très antistalinien) ou l’incontournable 1984.

C’est un tort car Hommage à la Catalogne m’a prouvé une fois de plus qu’Orwell fait partie des plus grands écrivains du 20ème siècle.

Fin 1936 : alors que la guerre d’Espagne fait rage, Orwell décide de s’engager et de combattre au front le fascisme. Il combat sur le front d’Aragon aux côtés des milices du POUM (parti ouvrier d’unification marxiste) et raconte son expérience de soldat dans ce document exceptionnel.

Document exceptionnel pour deux raisons (au moins). D’une part, parce que l’écrivain nous propose d’abord de vivre ces quelques mois au cœur même de cette guerre d’Espagne dont les conséquences furent si funestes pour l’Europe et le monde à la fin de la décennie. Il traduit d’abord dans un premier temps la liesse révolutionnaire qui s’est emparée du cœur des espagnols et évoque avec fougue l’espoir encore possible d’un monde radicalement nouveau (sa description de Barcelone est empreinte d’une véritable ferveur). Puis il détaille son action au sein des milices du POUM. D’un côté, le caractère presque « amateur » de cette armée de fortune (peu d’armes, un enthousiasme un brin désordonné…) ; de l’autre, la dureté des conditions de vie au front, dans les tranchées, contre un ennemi presque invisible (Orwell ne décrira qu’une seule bataille).

Il faut absolument louer ici le talent d’évocation de l’écrivain. Je ne crois jamais avoir lu quelque chose d’aussi prenant et d’aussi concret que ce passage où il raconte le moment où il est blessé par une balle qu’il prend en pleine gorge. Rarement j’ai senti avec une telle force ce que l’auteur a pu ressentir à ce moment là. C’est assez extraordinaire.

Puis c’est le retour à Barcelone, le constat que les choses ont changé (l’armée « régulière », noyautée par les communistes, a rétabli l’ancien système et il n’est désormais plus question de révolution) et les désillusions de plus en plus grandes lorsque le POUM est mis hors la loi et ses membres pourchassés et emprisonnés.

Avec ce livre, (et c’est la deuxième raison qui le rend indispensable) Orwell saisit parfaitement les mécanismes politiciens qui amenèrent au désastre que l’on sait. Soucieux des alliances diplomatiques et de sa « respectabilité », le parti communiste, totalement asservi aux directives de l’URSS, s’est allié à la démocratie bourgeoise et a liquidé honteusement son « aile gauche » (le POUM, les anarchistes…). Orwell revient en détail sur l’atmosphère de guerre civile dans Barcelone qui conduisit à des batailles de rues et à de nombreuses provocations staliniennes (l’épisode du central téléphonique). En appendice, il met à plat tous les enjeux politiciens et les luttes intestines qu’a mis au grand jour la guerre d’Espagne. Il pointe ainsi tous les mensonges et calomnies qu’ont du subir, notamment de la part de la presse, les gens du POUM et les véritables révolutionnaires lors de la stratégie d’alliance entre un PC uniquement avide de pouvoir et la démocratie bourgeoise.

Ce qui caractérise Orwell, c’est sa grande honnêteté intellectuelle. Il se base, pour son argumentaire, sur les choses auxquelles il a pu assister. Mais il ne masque jamais le fait qu’il regarde tout d’un point de vue partisan et engage le lecteur à se méfier aussi bien des mensonges (habituels !) des journaux que de ses propres écrits.

60 ans plus tard, l’Histoire a prouvé que c’est l’écrivain qui était dans le vrai et, que comme en 1917, le parti communiste était une fois de plus parvenu à confisquer une révolution…

NB : A vous de jouer : quels livres dans la catégorie « révoltes, révolutions, contre-révolutions » me conseillez-vous ?

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dimanche, septembre 14, 2008

Hommage à Noël Godin (5)

Week-end en famille. Voilà l'occasion de repartir dans l'exploration des rayons de ma bibliothèque et de rendre hommage à Noël Godin (à qui je souhaite un joyeux anniversaire en passant!)qui m'a permis de découvrir ces livres :










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jeudi, septembre 11, 2008

Merci à Philippe Val

Siné Hebdo n°1



Finalement, nous sommes bien contraints de concéder qu’une décision stupide et inique peut avoir les plus bienheureuses conséquences. Lorsque Val décida cet été de licencier Siné pour des raisons qui dépassent dans le domaine de la bêtise ce que l’on pouvait craindre du triste sbire, nous étions loin d’imaginer que l’affaire rebondirait d’une manière aussi joyeuse.

Réjouissez-vous : Charlie-Hebdo, fantôme de ce que fût ce grand titre, est bel et bien mort mais en relançant un canard « mal élevé » comme au temps de l’enragé et de Siné massacre, le vaillant dessinateur nous offre aujourd’hui un nouveau moyen de nous réjouir et de ne pas abdiquer devant la pensée couchée des BHL, Joffrin, Val et autres falsificateurs du même acabit !

Pour l’occasion, Siné s’est acoquiné avec tout ce qui se fait de mieux en France et en Belgique : d’excellents dessinateurs et (ou) caricaturistes (Tardi, Berth, Carali…), des penseurs qui n’ont pas renoncé à penser (Michel Onfray, quoiqu’on puisse penser de lui, le grand Raoul Vaneigem…), des chroniqueurs à l’humour râpeux (Arthur, Didier Porte…), de grandes figures historiques de l’époque Hara-Kiri/Charlie (Berroyer, Delfeil de Ton…), d’un feuilletoniste qui n’est autre que Serge Quadruppani et surtout, des meilleurs critiques littéraires et cinématographiques de France, Navarre et Belgique : j’ai nommé respectivement Noël Godin et Jean-Pierre Bouyxou.

Le résultat n’est peut-être pas encore tout à fait à la hauteur de nos attentes mais donne déjà l’envie d’y revenir : le succès du premier numéro laissant espérer qu’il y aura, enfin, une petite place pour la presse libre et indépendante en France.

En voulant présenter dès son premier assaut toute sa troupe, le journal de Siné n’évite pas le côté « joyeux foutoir », à la fois fort sympathique et en même temps un peu frustrant. Frustrant parce qu’on voudrait que Delfeil de Ton ait trois fois plus de place pour raconter l’aventure Hara-Kiri comme il a brillamment commencé à le faire. On voudrait une page entière de cinéma vu par Bouyxou et une page de littérature dévergondée par Noël Godin tant leurs articles sont savoureux (mais trop courts !).

Les zigues d’attaque de Siné doivent faire avec le manque de place et on le regrette presque lorsqu’on voit la qualité de certains textes (sur le processus de paix en Israël, ou ceux d’Arthur et de Filoche sur le temps de travail et la manière dont les cadres, comme nous tous, se font enculer par le gouvernement Sarkozy…).

Ces quelques réserves (mineures) ne doivent pas laisser entendre que je n’ai pas pris un grand plaisir à la lecture du canard. Au contraire, à deux ou trois exceptions prêts, le résultat final est aussi excitant que le « casting » de l’hebdomadaire (côté exception, je confesse n’avoir pas beaucoup d’admiration pour Guy Bedos qui s’est néanmoins conduit de façon assez digne dans « l’affaire Siné » et j’avoue que je me dispenserais volontiers de l’horripilante Isabelle Alonso dont l’insipide chronique tranche avec tout le reste : la caution « féministe » du journal ?).

Souhaitons donc, pour conclure, une très longue existence à Siné Hebdo et à son instigateur qui a placé son rejeton sous les meilleures auspices, ceux d’Alfred Jarry : « l’indiscipline aveugle et de tous les instants fait la force principale des hommes libres. »


PS : Est-ce parce que c’est le premier numéro ou qu’il faut vraiment jouer la carte de la prudence à notre époque ? Toujours est-il que je n’ai pas trouvé le journal libertaire très « virulent ». Celui qui l’est le plus, c’est l’excellent Arthur (rien à voir avec l’homoncule qui officie à la télé, comme j’ai pu le lire sur le net), qui fit partie des équipes de Charlie et de La gueule ouverte à la grande époque (il est l’auteur des Mémoires d’un paresseux) et qui n’y va pas avec le dos de la cuiller lorsqu’il propose sagement « le rétablissement de la guillotine pour les membres du CAC 40, les boursiers du monde entier, les veuves de Miami, les milliardaires russes, les dirigeants chinois et les économistes libéraux. »

Beau programme ! Français, encore un effort pour être révolutionnaires…

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dimanche, septembre 07, 2008

Hommage à Noël Godin (4)

Petite pause dans notre "bibliothèque idéale" dans la mesure où je dois, pour des raisons professionnelles, lire une dizaine de livres dont il ne sera pas question ici.
Profitons-en pour poursuivre l'hommage rendu à Noël Godin et à son indispensable Anthologie de la subversion carabinée qui m'a permis de découvrir les livres suivants :










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