La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

lundi, juillet 28, 2008

Bibliothèque idéale n°33 : de la photographie au cinéma

Qu’est-ce que le cinéma ? (1958) d’André Bazin (Cerf. 1997)


Dans la catégorie « de la photographie au cinéma » de la « bibliothèque idéale », je pense que vous auriez deviné assez facilement vers quel art mon choix allait se porter. Et puisqu’il faut profiter de ces catégories un brin rigides, je suis retourné vers les fondamentaux.

André Bazin, c’est le père de la critique moderne et l’oncle putatif des « jeunes turcs » des Cahiers du cinéma qui deviendront par la suite les hérauts de la « nouvelle vague ».

Pour ma part, je ne connaissais du critique que quelques extraits de ses textes les plus fameux et les quelques chroniques que publient depuis quelques mois les Cahiers du cinéma (c’est d’ailleurs la seule chose actuellement intéressante dans cette revue à laquelle j’ai finalement décidé de ne plus me réabonner. Ca va me faire quand même un vide de n’avoir plus de revue de cinéma à lire !)

Qu’est-ce que le cinéma ? est un recueil des articles les plus primordiaux de Bazin, ceux où s’expriment avec le plus de force sa pensée sur le cinéma. On sait que le critique écrivit beaucoup et dans de nombreux journaux. Une des caractéristiques de son style, c’est la maïeutique. Jamais Bazin de cherche à imposer ses goûts et définir une fois pour toute ce que doit être le cinéma. Il s’excuse parfois même d’avoir à défendre certains cinéastes plutôt que d’autres et fait toujours œuvre de modestie. Qu’il écrive pour le « grand public » (dans France-Observateur) ou dans des publications plus spécialisées et pointues (Esprit, Les cahiers du cinéma), Bazin ne se départit jamais de son souci pédagogique qui lui permet d’être à la fois profond sans jamais être abscons et de permettre au lecteur de s’interroger sur ce qu’il a vu.

On trouvera donc ici ses articles les plus fameux, que ce soit celui sur l’ontologie de l’image photographique ou sur le montage interdit. On le verra également militer pour un cinéma impur, pour le néo-réalisme italien et réfléchir sur les liens entre le 7ème art et le théâtre et le roman (avec cette fameuse question de l’adaptation des classiques à l’écran qui sera un des chevaux de bataille du critique Truffaut).

Dire que la pensée de Bazin fut extrêmement féconde et qu’elle peut encore servir de point de repère aujourd’hui apparaîtra sans doute comme quelque chose d’extrêmement dérisoire mais j’aimerais néanmoins revenir sur quelques points qui me semblent importants.

Il n’est pas question pour moi d’ériger une statue de plus au critique défunt : si certains textes m’ont paru extrêmement stimulants et incroyablement justes (je pense à la manière qu’a eue Bazin de déceler l’extrême modernité de cinéastes comme Rossellini, Bresson ou Tati dont il parle avec un rare talent), d’autres m’ont semblé un brin redondants (sur le néo-réalisme en particulier) ou plus discutables (le texte sur l’érotisme au cinéma).

D’un autre côté, il m’arrive de lire des jugements incendiaires sur Bazin, tenu pour responsable unique des dérives naturalistes du cinéma français et jugé comme un inquisiteur sévère pour toute œuvre non réaliste.

Il est vrai que Bazin se montre sévère pour un cinéma voulant faire preuve de son autonomie et s’engageant dans l’impasse de « l’art pour l’art ». On le voit critiquer l’expressionnisme allemand (tout en pointant avec énormément de justesse ce qui sépare quelqu’un comme Murnau de ce mouvement) ou les « films d’art » français (mais qui peut encore les supporter ?). D’un autre côté, le « réalisme » qu’il prône (avec cette notion de « montage interdit », par exemple) n’a rien à voir avec le naturalisme le plus plat. Lorsqu’il loue chez De Sica la disparition de la mise en scène, du scénario et des acteurs, il souligne également ce que les films doivent au style du réalisateur. Le Réel n’est jamais chez Bazin une captation immédiate de la réalité (ce n’est pas un précurseur des zélateurs imbéciles de la « télé réalité » !) mais une matière retravaillée par la sensibilité de l’artiste et retranscrite par des moyens qui peuvent aussi être « baroques » (voir ses belles analyses du cinéma de Welles).

De la même manière, ses analyses des rapports entre le cinéma et théâtre, entre cinéma et littérature sont extrêmement fines et savent parfaitement distinguer ce qu’ont de spécifiques les différents langages.

Bien sûr, on peut être parfois un peu agacé par l’idéalisme (en gros, un humanisme teinté de christianisme) du critique qui lui fait voir toutes les inventions techniques comme un progrès vers « plus de réalité » (les arrivées successives du son puis de la couleur en attendant le cinéma en relief) et trouver son admiration pour quelqu’un comme De Sica un peu exagérée.

Il n’empêche qu’il n’est pas inutile de se replonger dans cet essai pour découvrir une véritable pensée sur le cinéma qui n’a, somme toute, pas vieilli.

Vous connaissez sans doute déjà les livres que je mettrais volontiers dans ma bibliothèque idéale dans cette catégorie. Pour la bonne bouche : La science-fiction au cinéma (Bouyxou), Une encyclopédie du nu au cinéma, Les yeux de la momie (Manchette), Godin par Godin, Godard par Godard, les trois tomes des Craignos Monsters (Putters), Nagisa Oshima (Louis Danvers et Charles Tatum Jr), Jésus Franco (Stéphane du Mesnildot), la Correspondance de Truffaut et tous les textes de Serge Daney.

Et vous, quels livres sur la photo et le cinéma placeriez-vous toute affaire cessante dans votre « bibliothèque idéale » ? (sans doute le Hitchcock/Truffaut que je rêve d’acquérir)

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2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Pas d'hésitation, le livre de Truffaut est pour moi la bible. Je l'ai lu des dizaines de fois, je l'ai même emmené en voyage. En cherchant bien, il y a les réponses à toutes les questions qu'un cinéaste peut se poser sur la mise en scène au cinéma, et puis c'est drôle, parfois passionné.
Dans le même registre, les livres d'entretiens de cinéastes par des cinéastes sont généralement formidables : Hawks par Bogdanovich ou Wilder par Cameron Crowe. Le bouquin de Patrick Brion sur le western est aussi un plaisir sans cesse renouvelé.

9:33 AM  
Blogger gludure said...

Pour avoir lu qelques-uns de ses articles,je meurs d'envie de découvrir Manny Farber.

11:14 PM  

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