La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

mardi, juillet 01, 2008

Bibliothèques idéale n°27 : les correspondances

Lettres à Milena (1920-1923) de Franz Kafka (Gallimard. L’imaginaire 2007)


Autant j’avoue avoir une véritable passion pour les journaux intimes des écrivains ou leurs mémoires ; autant de dois avouer que le genre épistolaire me laisse plus circonspect. Même en supposant qu’un journal ne soit pas forcément destiné à être lu, il reste toujours dans ce genre littéraire un véritable travail d’écriture où l’écrivain met en scène son rapport à autrui ou au monde. Cette « mise en scène » de l’intimité me semble souvent passionnante.

En lisant des correspondances (je connais, par exemple, celles de Léon Bloy ou celles d’Apollinaire), j’ai toujours un peu l’impression de m’immiscer dans un dialogue à deux qui ne me regarde pas. Ces lettres peuvent parfois être éclairantes sur la personnalité de leurs auteurs (Apollinaire partagé entre son amour pour Madeleine et son désir pour Lou) et on peut y trouver de fort belles choses (les poèmes de guerre du même Apollinaire) ; mais, en règle générale, cela ne me touche pas beaucoup.

A la rigueur, la seule lettre qui me botte sans réserve, c’est la lettre d’insultes dont furent friands surréalistes et situationnistes…

Les Lettres à Milena ne remettent pas fondamentalement en cause mon opinion sur les correspondances alors que je suis pourtant un grand admirateur de Kafka (j’ai dévoré dans ma jeunesse Le procès et La métamorphose).

Lorsque débute cette correspondance, Kafka a 37 ans. Milena, de 13 ans sa cadette, est chargée de traduire ses textes en tchèque. De caractère d’abord professionnelle, la correspondance vire ensuite vers le récit d’une passion entravée et jamais concrétisée. Milena est mariée, Franz est tourmenté (c’est peu de le dire !) : leurs amours resteront platoniques.

J’avoue être totalement incapable de dire si ce drame à une voix (il ne subsiste aucune lettre de Milena) est bon ou mauvais. Tout juste qu’il ne m’a pas touché.

Ce n’est certes pas inintéressant de voir se dévoiler au grand jour la personnalité incroyablement torturée d’un Franz Kafka amoureux mais incapable de déclarer simplement sa flamme. De toute cette correspondance suppure une culpabilité métaphysique que l’on retrouvera dans les œuvres de l’écrivain. Sentiment de culpabilité par rapport à une jeune femme qui n’est pas « libre », culpabilité à l’égard de ses origines (Kafka revient souvent sur son rapport douloureux au judaïsme)…

Affaibli physiquement (Kafka revient parfois sur sa maladie), l’auteur semble s’infliger toutes les tortures morales que l’on peut imaginer. Et de ces lettres émerge un drôle de sentiment de peur extrême, d’une angoisse qui ne le quitte jamais.

Je le redis : pour les fins connaisseurs de l’œuvre de Kafka, ça doit valoir le coup mais j’avoue pour ma part être resté à l’extérieur de ces échanges épistolaires douloureux…

Connaissez-vous des correspondances qui pourraient me faire changer d’avis quant à mes réserves sur le genre ?

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5 Comments:

Anonymous Anonyme said...

"Sans toi, je n'ai personne, personne ici, que la peur. Vautré sur elle, qui se vautre sur moi, nous dévalons les nuits cramponnés l'un à l'autre."
Moi j'appelle ça une sublime et frontale déclaration d'amour !

10:10 AM  
Anonymous Anonyme said...

Je suis assez d'accord avec vous cher docteur les journaux sont presque toujours plus savoureux que les correspondances mais celle de Flaubert est tout de même pas mal... Ce qui n'est pas le cas de celle de Proust même si je n'ai pas lu entièrement cette dernière. Je recommanderais "Lettres à la NRF" de Celine (éditions Gallimard ces derniers étant un peu maso) qui démontre qu'être éditeur avec un tel coco ce n'est pas une partie de plaisir mais cela donne une franche rigolade pour le lecteur.

Bernard Alapetite

7:48 AM  
Anonymous Anonyme said...

Les lettres de Céline à la NRF...Ce n'est pas celles où il traite Gaston Gallimard de sale maquereau ?...
:)

8:14 AM  
Blogger Dr Orlof said...

Ah Céline! là vous m'intriguez! C'est vrai que sa correspondance doit valoir le coup (j'aime énormément, par ailleurs, sa fameuse lettre "A l'agité du bocal" destinée à Sartre)

9:55 PM  
Anonymous Anonyme said...

La Pleiade prépare une édition de sa correspondance, probablement un choix en 1 volume, mais je n'ai pas la date de parution.

Bernard Alapetite

6:49 AM  

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