Bibliothèque idéale n°41 : Enigmes et grandes affaires
1888, Jack l’Eventreur et les fantasmes victoriens (1987) de Roland Marx (Editions Complexe. 2007)
La catégorie « énigmes et grandes affaires » n’est pas, loin s’en faut, celle qui me passionne le plus dans la « bibliothèque idéale ». Que choisir ? Dreyfus ? J’en ai suffisamment soupé ! Calas ? Voltaire m’ennuie (et vlan ! ça c’est de la critique !), Stavisky ? Pourquoi pas, mais le livre de Kessel est fort difficile à trouver. Je me suis donc rabattu, en admirateur sincère des films macabres britanniques de la Hammer, sur les exploits de Jack l’éventreur, ce tueur sadique qui alimenta tous les fantasmes (on lui attribua beaucoup plus que les six crimes qu’il a effectivement commis) et dont l’identité n’a toujours pas été révélée, malgré toutes les hypothèses.
Roland Marx, spécialiste de l’histoire britannique, revient d’abord sur le fait divers et fait le point sur les diverses hypothèses avancées dans l’enquête. Parmi ces hypothèses, l’idée que Jack ne fut pas un seul individu mais un groupe de malfaiteur ou qu’il était un jeune bourgeois névrosé qui finit par se suicider. Certains allèrent jusqu’à prétendre qu’il fut un haut personnage, éliminé discrètement lorsque son identité fut découverte pour ne pas nuire à la couronne. Enfin, beaucoup voulurent voir en Jack l’Eventreur un scientifique en raison de son « savoir anatomique » dont témoignèrent les atroces mutilations dont il gratifia les pauvres prostituées tombées entre ses mains.
Mais le réel objet de l’essai est moins une énième tentative pour percer le mystère du tueur en série qu’une histoire des mentalités anglaises à l’époque de la reine Victoria. C’est moins Jack qui intéresse Marx que le tableau d’une société dans laquelle a pu naître un tel « mythe ».
L’historien revient d’abord sur le caractère assez spécifique de Londres à une époque où la révolution industrielle place tous les espoirs dans le progrès. On y découvre une ville aux allures de monstre tentaculaire, intensément polluée et noyée dans un « smog » permanent. Marx y décrit les conditions de vie miséreuses dans les quartiers mal famés d’une capitale où l’on meurt énormément de maladies respiratoires.
Après avoir décris cet espace urbain hanté par la mort, le sexe et la maladie ; Roland Marx propose un panorama synthétique des grands principes de la société victorienne. Primo, l’attachement à la couronne, deusio, les valeurs ancestrales sur lesquelles s’appuie toute cette société puritaine : la famille, la propriété, le travail, la religion (on a connu programme plus godant !). Il montre ensuite comment s’effrite peu à peu, à cette époque, toutes ces valeurs et les peurs que cet écroulement (plus fantasmé que réel, comme le précise fort justement l’auteur dans sa conclusion) a pu générer.
D’une certaine manière, les crimes de Jack l’éventreur personnifie ces angoisses d’un monde livré aux « rouges », où la religion cesse d’avoir une emprise décisive sur les esprits et où commencent à s’améliorer les conditions sociales.
L’essai n’est pas inintéressant (loin de là) mais il me semble que Roland Marx a plaqué un brin artificiellement son histoire de Jack l’éventreur pour attirer le lecteur sans pour autant traiter véritablement son sujet. De la même manière, on se serait volontiers dispensé de quelques remarques d’un puritanisme stupide quant à l’exploitation morbide du fait divers par les journaux et le cinéma. Jack l’éventreur est, effectivement, un mythe assez fascinant et il me paraît normal que les artistes aient tenté d’en explorer toutes les ambiguïtés, aussi bien les caractères répugnants que ceux qui peuvent fasciner.
Mais c’est un autre débat…
Avez-vous quelques livres à me proposer dans la catégorie « Enigmes et grandes affaires » ?
Libellés : Angleterre, Bibliothèque idéale, Jack l'éventreur, puritanisme, Roland Marx, Victoria
4 Comments:
C'est plutôt le genre d echoses que je lis dans les journaux ou les revues... Reste Le masque de fer par Dumas dans "Le vicomte de Bragelonne" qui est une merveille. Et puis le "From hell" d'Alan Moore sur Jack.
"Le corbeau: histoire vraie d'une rumeur" de Jean-Yves Le Naour sur l'affaire qui eu lieu à Tulle entre 1917 et 1922, le livre inspira le film "le corbeau" de Clouzot.
Un vrai roman policier avec ses rebondissements et ses perosnnages.
a propos de jack l'éventreur, il ne faut pas oublier "from hell" de alan moore et eddie campbell
Sérieusement ; je trouve ce site magnifique, je suis tous les jours dessus, et je le recommande souvent à des amis. J’adore continuer ainsi, je me trouve bien et je me sens à l’aise et même intéressée pour visiter toutes les pages.
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