Retour sur Georges de la Fouchardière
Mes activités diverses et variées m’empêchent de descendre au fond de cette cave autant que je le voudrais. Pourtant, il aurait été de bon ton que je griffonne quelques mots pour saluer la performance du groupe La Ruda salska que j’ai vu en live la semaine dernière. Difficile de décrire l’ambiance électrique qu’ils ont maintenue pendant plus d’une heure et demie : c’était assez incroyable. J’ai déjà vu des concerts survoltés (Deportivo, Luke, Dionysos…) mais je crois que tous sont surpassés par l’énergie de la Ruda. C’est dire !
Revenons à la littérature et à notre cher Georges de la Fouchardière (j’espère que vous n’êtes pas blasés, ô mes dix fidèles lecteurs !). Pour ceux d’entre-vous qui n’auraient pas le courage de relire la note que j’ai consacrée à notre lustucru, je récapitule brièvement. Les œuvres de l’écrivain peuvent se diviser en trois catégories : les romans humoristiques et satiriques dont le niveau est fort inégal (des bijoux de ringardises du style Tibs d’étoupes et nib de tifs côtoyant de plus dépravantes réussites comme la grande rafle) ; des romans d’analyse et/ou psychologiques (la chienne, le plus célèbre ou Joseph Pantois, fils de gendarme, une de ses plus belles réussites) ; enfin, des recueils d’articles que notre auteur a écrit tout au long de sa vie dans divers baveux (surtout dans l’Oeuvre). Les deux bouquins que m’a dégottés ma sœurette relèvent de la dernière catégorie, ma préférée ; celle où Georges de la Fouchardière exprime avec le plus de fougue son indécrottable antimilitarisme, son anticléricalisme rigolard, son mépris des conventions et des idées reçues, son anarchisme goguenard.
Amours…toujours (Montaigne.1932) est, comme son titre l’indique, un recueil d’articles consacré au sujet qui nous passionne tous : l’amour. D’une manière générale, il s’agit de faits divers (crimes passionnels, scandales, vengeances amoureuses, histoires de cocus…) que le maître humoriste commente ironiquement. Grand zélateur des libertés individuelles, de la Fouchardière s’en prend surtout à l’hypocrisie du mariage et à l’horreur du code Napoléon (« Ou bien les deux conjoints sont d’accord pour se séparer…De quel droit un tiers, fût-il revêtu d’une robe de prêtre ou d’une toge de magistrat, prétend-il les maintenir rivés à la même chaîne ? »). Cette apologie du divorce peut paraître bien naturelle à notre époque, elle ne l’était sans doute pas il y a 70 ans ! C’est ce qui frappe dans ce livre par ailleurs un brin répétitif et pas toujours très inspiré : le bon sens d’un regard qui parvient à mettre en relief tout le ridicule qu’il y a à légiférer en matière de mœurs. Outre l’institution du mariage qui est raillée tout le temps, notre homme ridiculise également l’hypocrisie des mœurs, pose sur la sexualité un regard assez décomplexé et libre (à tel point qu’il trouve anormal que les prêtre ne puissent pas se marier lorsqu’il commente un fait divers où il est –déjà- question de pédophilie) et se montre toujours progressiste (malgré une pointe de misogynie ça et là). C’est déjà ça !
Les oies du capitole (Montaigne. 1928) est beaucoup plus folichon. Alors que ses cibles préférées sont généralement les bidasses (Au temps pour les crosses, Vive l’armée…) et les curés (le diable dans le bénitier), La Fouchardière s’en prend cette fois-ci, avec une verve corrosive, au gratin politicard. Sa prose saccageuse ne connaît ici aucune limite et son regard sur la démocratie parlementaire n’a rien de tendre (« Il est vrai que l’habitude des mœurs politiques abolit jusqu’à la notion instinctive du dégoût »). C’est un véritable jeu de massacre où tout le monde y passe : la gauche et la droite, le fascisme (les articles contre la bienveillance dont bénéficie Mussolini sont saignants) et le communisme, les neu-neus de l’Action Française (Léon Daudet est pris à parti plusieurs fois) et les boys-scouts du syndicalisme (« Mais il y a quelque chose qui est clair dans le syndicalisme, c’est la spéculation la plus sûre sur l’instinct le plus fort dans l’âme humaine : la spéculation sur l’égoïsme corporatif qui, substitué à l’égoïsme individuel, prend alors le nom de solidarité. »). Comme le prouve parfaitement sa « profession de foi » (voir note précédente), La Fouchardière est un grand démystificateur qui voit d’emblée le danger des idéologies (qui substituent à la mystique religieuse une mystique terrestre aussi sanguinaire) et qui constate le fiasco de la démocratie représentative engluée dans la boue des compromis électoraux et de l’appétit du pouvoir (il y a des notes très drôles sur les poignées de mains des hommes politiques ou sur la manière dont ceux-ci n’hésitent pas à se renier).
Le livre est à la fois très drôle et très actuel. Personne n’y est épargné, y compris les économistes, les francs-maçons (« Mais je reproche à la religion franc-maçonne ce que je reproche à toutes les autres religions. Ce culte sans dogmes n’est pas un culte sans rites et sans mystères. Il me semble désobligeant, comme les autres, par le charlatanisme de ses prêtres et par les allures cafardes de ses dévots ») et ceux qui entretiennent la peur contre la franc-maçonnerie et en font la cause de tous les malheurs du monde…
Une petite merveille.
Revenons à la littérature et à notre cher Georges de la Fouchardière (j’espère que vous n’êtes pas blasés, ô mes dix fidèles lecteurs !). Pour ceux d’entre-vous qui n’auraient pas le courage de relire la note que j’ai consacrée à notre lustucru, je récapitule brièvement. Les œuvres de l’écrivain peuvent se diviser en trois catégories : les romans humoristiques et satiriques dont le niveau est fort inégal (des bijoux de ringardises du style Tibs d’étoupes et nib de tifs côtoyant de plus dépravantes réussites comme la grande rafle) ; des romans d’analyse et/ou psychologiques (la chienne, le plus célèbre ou Joseph Pantois, fils de gendarme, une de ses plus belles réussites) ; enfin, des recueils d’articles que notre auteur a écrit tout au long de sa vie dans divers baveux (surtout dans l’Oeuvre). Les deux bouquins que m’a dégottés ma sœurette relèvent de la dernière catégorie, ma préférée ; celle où Georges de la Fouchardière exprime avec le plus de fougue son indécrottable antimilitarisme, son anticléricalisme rigolard, son mépris des conventions et des idées reçues, son anarchisme goguenard.
Amours…toujours (Montaigne.1932) est, comme son titre l’indique, un recueil d’articles consacré au sujet qui nous passionne tous : l’amour. D’une manière générale, il s’agit de faits divers (crimes passionnels, scandales, vengeances amoureuses, histoires de cocus…) que le maître humoriste commente ironiquement. Grand zélateur des libertés individuelles, de la Fouchardière s’en prend surtout à l’hypocrisie du mariage et à l’horreur du code Napoléon (« Ou bien les deux conjoints sont d’accord pour se séparer…De quel droit un tiers, fût-il revêtu d’une robe de prêtre ou d’une toge de magistrat, prétend-il les maintenir rivés à la même chaîne ? »). Cette apologie du divorce peut paraître bien naturelle à notre époque, elle ne l’était sans doute pas il y a 70 ans ! C’est ce qui frappe dans ce livre par ailleurs un brin répétitif et pas toujours très inspiré : le bon sens d’un regard qui parvient à mettre en relief tout le ridicule qu’il y a à légiférer en matière de mœurs. Outre l’institution du mariage qui est raillée tout le temps, notre homme ridiculise également l’hypocrisie des mœurs, pose sur la sexualité un regard assez décomplexé et libre (à tel point qu’il trouve anormal que les prêtre ne puissent pas se marier lorsqu’il commente un fait divers où il est –déjà- question de pédophilie) et se montre toujours progressiste (malgré une pointe de misogynie ça et là). C’est déjà ça !
Les oies du capitole (Montaigne. 1928) est beaucoup plus folichon. Alors que ses cibles préférées sont généralement les bidasses (Au temps pour les crosses, Vive l’armée…) et les curés (le diable dans le bénitier), La Fouchardière s’en prend cette fois-ci, avec une verve corrosive, au gratin politicard. Sa prose saccageuse ne connaît ici aucune limite et son regard sur la démocratie parlementaire n’a rien de tendre (« Il est vrai que l’habitude des mœurs politiques abolit jusqu’à la notion instinctive du dégoût »). C’est un véritable jeu de massacre où tout le monde y passe : la gauche et la droite, le fascisme (les articles contre la bienveillance dont bénéficie Mussolini sont saignants) et le communisme, les neu-neus de l’Action Française (Léon Daudet est pris à parti plusieurs fois) et les boys-scouts du syndicalisme (« Mais il y a quelque chose qui est clair dans le syndicalisme, c’est la spéculation la plus sûre sur l’instinct le plus fort dans l’âme humaine : la spéculation sur l’égoïsme corporatif qui, substitué à l’égoïsme individuel, prend alors le nom de solidarité. »). Comme le prouve parfaitement sa « profession de foi » (voir note précédente), La Fouchardière est un grand démystificateur qui voit d’emblée le danger des idéologies (qui substituent à la mystique religieuse une mystique terrestre aussi sanguinaire) et qui constate le fiasco de la démocratie représentative engluée dans la boue des compromis électoraux et de l’appétit du pouvoir (il y a des notes très drôles sur les poignées de mains des hommes politiques ou sur la manière dont ceux-ci n’hésitent pas à se renier).
Le livre est à la fois très drôle et très actuel. Personne n’y est épargné, y compris les économistes, les francs-maçons (« Mais je reproche à la religion franc-maçonne ce que je reproche à toutes les autres religions. Ce culte sans dogmes n’est pas un culte sans rites et sans mystères. Il me semble désobligeant, comme les autres, par le charlatanisme de ses prêtres et par les allures cafardes de ses dévots ») et ceux qui entretiennent la peur contre la franc-maçonnerie et en font la cause de tous les malheurs du monde…
Une petite merveille.
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