La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

lundi, janvier 22, 2007

Note de lectures 2007 : Part 1

Ne croyez pas que mes lectures actuelles se limitent aux deux seules notes que j’ai publiées récemment. Mais une fois de plus, je me suis laissé déborder et me vois dans l’obligation de résumer très succinctement mes dernières découvertes. Nous le ferons sous forme de trois notes regroupées par thèmes. La première, celle d’aujourd’hui, sera entièrement consacrée à la littérature étrangère.

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Frank Wedekind. Le coup de foudre (L’âge d’homme. 1983).
Je l’avoue sans fierté, c’est la première fois que je lisais les mots du grand dramaturge allemand Frank Wedekind, plus connu pour son théâtre expressionniste (l’esprit de la terre et la boîte de Pandore) que pour les nouvelles rééditées ici. Que dire de ces courts et cinglants récits dont le cœur tourne toujours autour de la passion amoureuse ? En souvenir de la magnifique adaptation que Pabst a tirée des fameuses pièces sus-citées (Lulu), nous lancerons l’hypothèse que Wedekind prolonge avec ces nouvelles les thèmes de son théâtre : sentiments amoureux vécus sous le signe du rapport de force, de la manipulation et de la domination (ce que l’homme obtient par la force et le cynisme, la femme peut l’obtenir par la séduction) ; amours brisés par une destinée malheureuse mais qui permettent à l’auteur de fustiger l’odieux règne des conventions sociales (dans le très beau le vieux prétendant)…De ces injustices que l’ordre social créé et que Wedekind dévoile cruellement, on retiendra ce petit passage plus que révélateur :
« Elle n’avait jamais voulu le mal, et le malheur était sur elle. Lui, de sa vie entière, n’avait jamais voulu le bien, et pourtant, il n’était pas irrémédiablement perdu, il le sentait. Ce qu’il éprouva dans ce moment le marqua pour la vie. ».
La dernière nouvelle intitulée Mine-haha, ou l’éducation corporelle des jeunes filles, plus longue que les autres, dépareille un peu dans le recueil. Non que Wedekind abandonne ses thèmes mais il les traite sous forme d’une féerie allégorique assez étonnante où une vieille femme, avant de mourir, laisse au monde ses mémoires. Elle y raconte surtout son éducation au milieu d’autres fillettes au sein d’une étrange demeure coupée du monde. Sans avoir vu le film de Lucille Hazihalilovic, j’ai pensé à Innocence (j’imagine le film comme ça !). Pour ces fillettes, à chaque âge semble correspondre un rite initiatique qui est, bien évidemment, un symbole de l’asservissement du corps féminin afin qu’il puisse trouver sa place sur la scène du théâtre social. Cette manière de résumer brutalement la nouvelle ne rend absolument pas compte du climat fantasmagorique et évanescent qui y règne. Nous sommes dans un univers à mi-chemin entre un Eden idéal (où règne la pureté et l’innocence) et une maison d’éducation destinée à formater les filles. C’est assez étonnant.

Ambrose Bierce. Est-ce possible ? (Famot. 1974).
S’il fallait absolument dénoncer un oubli scandaleux dans la fameuse Anthologie de l’humour noir d’André Breton, ça serait évidemment celui de l’œuvre macabre et cynique d’Ambrose Bierce. Vous avez eu un aperçu de ce cynisme en lisant ma dernière note, extraits de son fabuleux dictionnaire du diable où l’auteur passe au crible de son regard féroce et désabusé toutes les conventions sur lesquelles repose l’édifice social. Il y aurait beaucoup de choses à dire sur cet enfant de fermier qui fit la guerre de Sécession (du côté des Fédéraux) , occupa divers métiers avant de devenir un écrivain férocement drôle et d’un cynisme agressif jamais démenti. Plus étonnant, on ne sait pas exactement comment il est mort mais il est fort probable qu’il ait été tué dans une bataille à près de 80 ans alors qu’il avait rejoint les troupes de…Pancho Villa ! (Loué soit son nom !) Est-ce possible ? n’est pas un véritable recueil de nouvelles mais plutôt un échantillon de nouvelles tirées de trois volumes (Récits de soldats et de civils, Cela est-il possible ? et Histoires négligeables). Comme tout recueil de nouvelles, le résultat est parfois un peu inégal. Personnellement, les histoires de bidasses ne sont pas mes préférées même si certaines ont une vraie force. Bierce, comme tout grand écrivain américain qui se respecte, est également un paysagiste et j’avoue que certaines longs tableaux de la nature m’ont parfois un peu ennuyé. Par contre, ces récits fantastiques sont délectables. L’auteur y cultive un goût de l’étrange et du morbide qui met du baume au cœur. Son imagination cruelle est sans limite et certaines chutes cinglantes sont franchement glaçantes. Le tout arrosé, comme de bien entendu, d’un humour noir succulent. Je reparlerai sans doute de cet écrivain majeur…

GK. Chesterton. Le scandale du Père Brown (L’âge d’homme. 1982)
Tiens ! Voilà un écrivain dont je vous ai déjà parlé et qui mérite assurément, lui aussi, d’être redécouvert. Là encore, il s’agit de nouvelles mais relevant cette fois du genre policier. Chesterton met ici en scène son fameux héros le Père Brown dont la particularité est d’allier la profession de détective et celle de prêtre. Ces petites enquêtes sont toutes construites sur le même modèle : un événement plus ou moins tragique (disparition, meurtre, adultère…) dont le père Brown parvient à démêler les fils en regardant au-delà des apparences. D’ou ce mélange d’humour et de mysticisme qui donne tout son sel à la verve de Chesterton. Le scandale évoqué dans le titre d’une nouvelle provient du fait que le Père Brown prend les platitudes de l’époque érigées en conventions à rebrousse-poil et en pointe l’inanité. Ces petits récits policiers sont parsemés de piques ironiques à l’égard du pouvoir de l’époque et de ses préjugés. C’est, entre autres choses, ce qui les rend savoureux…

Bram Stoker. Dracula (Famot. 1974)
Alors que je tiens Dracula pour un des plus beaux mythes fantastiques qui soient, j’avoue à ma grande honte que je n’avais jamais lu le classique de Bram Stoker. Est-il encore besoin de présenter ce grand seigneur (saigneur) de la nuit qui décide de quitter sa Transylvanie natale pour étendre son règne démoniaque au monde entier ? Faut-il louer une fois de plus la diabolique habileté d’un récit composé de fragments de journaux intimes, de correspondances entre plusieurs personnages, de coupures de presse ? Avec Dracula, Stoker plonge au cœur des pulsions les plus secrètes de l’homme et offre un fabuleux roman sur la contamination du Mal (on comprend qu’il ait inspiré Murnau dans son chef-d’œuvre Nosferatu).
Si ce mythe du vampire est si beau, c’est qu’il englobe énormément de choses et qu’il est, à l’instar de ce héros aux multiples visages, polymorphe. Autant Frankenstein est une parabole sur le progrès des sciences qui permet à l’homme de rivaliser avec les dieux mais qui, corollairement, met en péril la race humaine ; autant Dracula me semble aller plus loin dans tout ce qui compose l’homme : le Mal, la séduction, les pulsions érotiques (on ne dira jamais à quel point le mythe du vampire est puissamment érotique, ce qu’ont très bien compris des gens comme Jean Rollin ou Jess Franco), la peur de la contamination…
Un très grand livre qui n’a pas démérité de son statut de chef-d’œuvre.

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mercredi, novembre 08, 2006

Redécouvrir Chesterton

Les quatre petits saints du crime (L’âge d’homme. 1984) et Le monde comme il ne va pas (L’âge d’homme.1994) de Gilbert Keith Chesterton

De tous les auteurs que je vous invite à (re)découvrir ces derniers temps, Chesterton est le seul dont j’avais déjà lu quelques livres, notamment le délicieux Club des métiers bizarres, aventures policières totalement farfelues représentant à merveille le style paradoxal et excentrique de l’auteur. Si Le monde comme il ne va pas est un pamphlet virulent et drôle contre la modernité naissante en ce début de 20ème siècle, Les quatre petits saints du crime s’inscrit dans la lignée des récits fantaisistes de Chesterton.
Un prologue nous introduit dans un nouveau « club » mystérieux, celui des « Hommes Incompris ». Suivront ensuite quatre historiettes mettant en scène, par ordre d’entrée en piste, un assassin modéré, un charlatan honnête, un voleur mystique et un traître fidèle. Ces dénominations laissent entendre à quels genres de paradoxes nous invite Chesterton avec beaucoup de style, d’humour et de flegme. A travers ces savoureux divertissements construits, à l’instar des Contes moraux de Rohmer, sur le même modèle (celui d’un faux-coupable dont les actions sont jugées différemment selon le point de vue dont elles sont envisagées) se dessinent d’étranges paradoxes (« Je disais seulement l’autre jour que ce dont la plupart des gens ont besoin, c’est d’être un peu assassinés, surtout ceux qui sont en situation de responsabilité politique ») qui nous poussent à regarder le monde sous un angle différent. Si ces quatre « criminels » apparaissent finalement comme des « saints » (ils ne sont, en fait, ni l’un ni l’autre), c’est que Chesterton nous a amené à décentrer notre regard et à relativiser leurs actions. Je vous laisse le loisir de réfléchir à certaines actions pouvant paraître criminelles au premier coup d’œil et qui le sont peut-être moins que le système qui les a vues éclore…
On retrouve cette même manière de porter un regard « décentré » sur le monde dans son pamphlet le monde comme il ne va pas. Etrange livre qui déconcerte nos certitudes contemporaines. Un bien-pensant de gauche le relèguera d’emblée dans la catégorie des ouvrages « réactionnaires ». Chesterton professe effectivement de drôles d’idées quant à la place des femmes dans la société (elles doivent rester au foyer) et aux revendications des suffragettes. De la même manière, il se montre relativement hostile à l’instruction publique. A côté de cela, les biens-pensants de droite hurleront devant ce livre qui prêche également la révolution et crache sans vergogne sur la ploutocratie aristocrate britannique, sur la grande propriété foncière qui empêche chacun de jouir de sa propre propriété.
Finalement, les termes de « progressif » et « réactionnaire » ne rendent pas compte de la pensée du grand écrivain catholique qui place l’homme au centre de tout son « système »: « C’est cela l’énorme hérésie moderne qui consiste à modifier l’âme humaine pour qu’elle s’adapte aux conditions, au lieu de modifier les conditions pour qu’elles s’adaptent à l’âme humaine ».
Lorsqu’il défend la « famille » ou la « propriété », il ne le fait jamais au nom d’une prétendue tradition ou de privilèges archaïques. Pour lui, la famille est avant tout la dernière cellule « anarchique » ou l’individu peut jouir d’une liberté totale (Chesterton dit que rien ne nous empêche, en famille, de manger par terre – ce qui est plus difficile au restaurant- ou de prendre le thé en pantoufles et robe de chambre) et où l’emprise du monde n’a pas court (« Si un bébé réclame la lune en pleurnichant, le gendarme ne pourra pas plus aller la lui décrocher qu’il ne pourra le calmer ») . De même, le regard qu’il porte sur la propriété le rapproche plus de certains anarchistes individualistes (Stirner, Ernest Armand…) que des conservateurs libéraux. Il défend la propriété à condition qu’elle soit équitablement redistribuée et que chacun puisse jouir de son propre bien.
Même si l’on n’est pas obligé d’acquiescer à chacune de ses vues, on ne peut que reconnaître l’actualité d’un essai qui pointe déjà les dangers du modernisme, de cette manière dont l’Etat et les spécialistes viennent légiférer et réguler nos actions quotidiennes (il y a des pages d’une rare truculence où Chesterton loue les plaisirs de fumer, de boire et de se retrouver au cabaret) et mutilent la liberté individuelle. Là encore, il ne faut pas confondre sa pensée avec les calembredaines des libéraux pour qui la liberté ne se résume qu’à la liberté économique et au rendement le plus égoïste. Chesterton est très clair la-dessus et c’est sur cette phrase à méditer que je conclus cette note (je vous renvoie également à ma note précédente, extraits –un peu longs- de la conclusion du livre mais que je vous conseille de lire : elle est superbe et résume parfaitement tous les points abordés par l’auteur) : « Je protesterai au passage contre cette façon de voir qui fait du rendement le seul critère de notre condition d’homme. Le ciel ne travaille pas, il joue. Les hommes sont vraiment eux-mêmes lorsqu’ils sont libres ; et si je m’aperçois qu’au travail les hommes sont prétentieux, mais qu’en vacances, ils sont démocrates, je me permettrai d’être en faveur des vacances. »

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Le monde comme il ne va pas

"Il y a quelques temps, certains docteurs et autres personnes que la loi moderne autorise à régenter leurs concitoyens moins huppés, décrétèrent que toutes les petites filles devaient avoir les cheveux courts. J’entends par là, bien entendu, toutes les petites filles dont les parents étaient pauvres. Les petites filles riches ont, elles aussi, de nombreuses habitudes très peu salubres, mais il faudra le temps avant que les docteurs tentent d’y remédier par la force. La raison de cette intervention était que les pauvres vivaient empilés dans des taudis tellement crasseux, nauséabonds et étouffants, qu’on ne peut leur permettre d’avoir des cheveux car cela veut dire qu’ils auraient des poux. Voilà pourquoi les docteurs ont proposé de supprimer les cheveux. Il ne semblerait pas qu’il leur soit même venu à l’esprit de supprimer les poux. C’est pourtant possible. Comme souvent dans les discussions modernes, ce que l’on n’ose mentionner est précisément le pivot de toute la discussion, il est évident que pour tout chrétien, c’est à dire pour tout homme ayant une âme libre, toute contrainte exercée sur la fille d’un cocher devrait pouvoir être exercée sur la fille d’un ministre. Je ne vais pas chercher à savoir pour quelle raison les docteurs n’appliquent pas, en fait, ce qu’ils prescrivent à la fille d’un ministre. Je n’ai pas à chercher à le savoir, je le sais. Ils ne le font pas, parce qu’ils n’osent pas le faire. Mais derrière quelle excuse s’abriteront-ils, de quel prétexte valable se serviront-ils, pour rogner et tondre les enfants pauvres et non les riches ? Leur argument sera-t-il qu’ils ont davantage de risques d’avoir des poux que les riches, et pourquoi ? Parce que les enfants pauvres sont obligés (à l’encontre de tous les instincts profondément familiaux de la classe ouvrière) de s’entasser dans des pièces fermées où on leur inflige un système d’instruction publique d’une démente inefficacité et qu’un enfant sur quarante a des chances d’en avoir et cela, pourquoi ? Parce que le pauvre est tellement asservi à la terre par les gros fermages des grands propriétaires terriens que sa femme doit souvent travailler autant que lui et qu’elle n’a donc pas le temps de veiller sur ses enfants ; c’est pourquoi, un enfant sur quarante est sale. Ecrasé par le propriétaire, assis (littéralement) sur son estomac et par le maître d’école, assis (littéralement) sur sa tête, l’ouvrier doit consentir à ce que les cheveux de sa fille soit d’abord négligés du fait de la pauvreté, puis contaminés, du fait de la promiscuité et enfin supprimés au nom de l’hygiène. Peut-être était-il fier des cheveux de sa fille, mais il ne compte pas…
Fort de ce simple principe (ou plus exactement de ce précédent) le docteur en sociologie va de l’avant, le cœur léger. Quand une tyrannie crapuleuse écrase tant et si bien les hommes dans la crasse que même leurs cheveux sont sales, la position de la science est claire. Il serait long et laborieux de couper les têtes des tyrans, il est plus facile de couper les cheveux des esclaves. De même, si des enfants pauvres, tourmentés par une rage de dents, dérangent par leurs hurlements un maître d’école ou un gentleman peintre à ses heures il sera facile d’arracher les dents des pauvres. Leurs ongles sont-ils répugnants ? Autant les arracher. Leur nez est-il indécemment morveux ? Autant le leur couper. L’apparence de notre humble concitoyen pourrait être ainsi étonnamment simplifiée avant que nous en ayons terminé avec lui. Mais tout ceci n’est pas plus ahurissant que le fait qu’un docteur puisse entrer chez un homme libre et ordonner qu’on coupe les cheveux de sa fille fussent-ils aussi propres que fleurs de printemps. Ces gens ne semblent jamais comprendre que la leçon que l’on peut tirer des poux dans les taudis, c’est que ce sont les taudis qui sont à condamner et non pas les cheveux. Les cheveux, c’est le moins qu’on en puisse dire, ont des racines. Leurs ennemis, (comme les insectes et autres armées orientales dont j’ai parlé) ne nous assaillent que rarement. A vrai dire, ce n’est que par des institutions éternelles comme les cheveux que nous pouvons évaluer des institutions éphémères, comme les empires. Si l’on se cogne la tête en rentrant dans une pièce, c’est que la porte est mal placée.
[…]
Ces grands ciseaux de la science, si prompt à couper les boucles des petits écoliers pauvres, ne cessent de rogner de plus près, tranchant tous les coins et tous les bords des arts et des fiertés du pauvre. Bientôt ils tailleront les cous pour les adapter à des cols propres et raccourciront les pieds pour les faire rentrer dans des bottes neuves. Ils ne semblent jamais se rendre compte que le corps est plus important que le vêtement, que le Sabbat a été fait pour l’homme ; que toutes les institutions seront jugées en fonction de leur adaptation à la chair et à l’esprit de l’homme normal.
[…]
Cette parabole, ces dernières pages et même, toutes ces pages, visent à démontrer que nous devons tout recommencer, à l’instant, et par l’autre bout. Je commencerai par les cheveux d’une petite fille. Ca, je sais que c’est bon, dans l’absolu. Si mauvais que soit le reste, la fierté d’une bonne mère pour la beauté de sa fille est chose saine. C’est l’une de ces tendresses inaltérables qui sont les pierres de touche de toutes les époques et de toutes les races. Tout ce qui ne va pas dans ce sens doit disparaître. Si les propriétaires, les lois et les sciences s’érigent là-contre, que les propriétaires, les lois et les sciences disparaissent. Avec les cheveux roux d’une gamine des rues, je mettrai à feu toute la civilisation moderne. Puisqu’une fille doit avoir les cheveux longs, elle doit les avoir propres ; puisqu’elle doit avoir les cheveux propres, elle ne doit pas avoir une maison mal tenue ; puisqu’elle ne doit pas avoir une maison mal tenue, elle doit avoir une mère libre et détendue ; puisqu’elle doit avoir une mère libre et détendue , elle ne doit pas avoir de propriétaire usurier ; puisqu’elle ne doit pas avoir de propriétaire usurier, il doit y avoir une redistribution de la propriété ; puisqu’il doit y avoir une redistribution de la propriété, il doit y avoir une révolution.
Cette gamine aux cheveux d’or roux (que je viens de voir passer en trottinant devant chez moi), on ne l’élaguera pas, on ne l’estropiera pas, en rien on ne la modifiera ; on ne la tondra pas comme un forçat. Loin de là. Tous les royaumes de la terre seront découpés, mutilés à sa mesure. Les vents de ce monde s’apaiseront devant cet agneau qui n’a pas été tondu. Les couronnes qui ne vont pas à sa tête seront brisées. Les vêtements, les demeures qui ne conviennent pas à sa gloire s’en iront en poussière. Sa mère peut lui demander de nouer ses cheveux car c’est l’autorité naturelle, mais l’Empereur de la Planète ne saurait lui demander de les couper. Elle est l’image sacrée de l’humanité. Autour d’elle l’édifice social s’inclinera et se brisera en s’écroulant ; les colonnes de la société seront ébranlées, la voûte des siècles s’effondrera, mais pas un cheveu de sa tête ne sera touché."

G.K.Chesterton

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