Violent Cop
Acid Cop (2021) de Zaroff (Zone 52, collection Karnage, 2021)
L’ombre de la fameuse et défunte collection « Gore » du Fleuve noir plane sur la toute fraiche (la viande est de premier choix !) collection Karnage. Trois livres à ce jour, marchant fièrement sur les pas de leurs prédécesseurs en mêlant violence (extrême), sexe (hardcore) et flots d’hémoglobine. De la littérature populaire brut de décoffrage qu’éviteront assurément les fins palais, les arbitres du bon goût et des élégances mais qui réjouira les amateurs déviants et les nostalgiques d’une littérature de gare qui ne s’embarrassait pas de fioritures.
Acid Cop de Zaroff, auteur déjà aguerri dans le genre puisqu’il a signé deux titres pour les éditions Trash (Night Stalker et Bayou) est le deuxième titre de la collection après Sanctions ! du mystérieux Talion. Si les ingrédients sont assez similaires (un cocktail détonnant de sexe et de sang), les univers se révèlent in fine assez dissemblables. Autant Sanctions ! traduisait de manière grand-guignolesque un certain malaise dans l’Education Nationale bien de chez nous avec son professeur haut-marnais adepte de la loi du talion, autant Acid Cop nous replonge dans l’univers familier (tant on l’a vu à l’écran) du New-York interlope des années 80.
Avant de souligner les qualités (nombreuses) du roman, commençons par un petit bémol. Alors qu’il enquête sur trois dangereux psychopathes vivant dans les sous-sols de la ville, Bereglia (un flic violent et flirtant constamment avec l’illégalité) se fait allumer par une collègue et doit l’honorer dare-dare dans les toilettes des bureaux s’il veut récupérer le dossier dont il a besoin pour avancer. Exaspéré par ce retard impromptu, le flic s’acquitte de sa tâche en l’expédiant à la va-vite avant de poursuivre son chemin. Or Zaroff expédie les scènes de sexe un peu toujours de cette manière et on a le sentiment que le recours à la pornographie est toujours un peu superflu et ralentit l’action. Même si elle permet parfois d’accentuer l’horreur des scènes (notamment lors de viols particulièrement éprouvants), elle peine souvent à se fondre dans le récit et n’apporte pas grand-chose (j’ignore d’ailleurs s’il s’agit d’un « cahier des charges » de la collection)
Toujours est-il que cette (petite) réserve posée, le roman se révèle être une belle réussite qui se lit avec un plaisir constant. D’abord parce que Zaroff truffe son récit de références cinématographiques. Avec ses faux airs de Stallone (lui aussi est d’origine italienne), Bereglia est une sorte de mélange entre l’inspecteur Harry (faire respecter la Loi quitte à friser l’illégalité), Paul Kersey dans la saga Un justicier dans la ville (se venger en débarrassant les rues de la ville de la racaille) et du vengeur de The Exterminator. Par ailleurs, l’auteur cite également quelques classiques du « rape and revenge » (Thriller de Vibenius, I Spit on Your Grave) mais aussi Robocop de Verhoeven.
Le récit est, certes, assez classique mais il est d’une redoutable efficacité, retrouvant l’ambiguïté qui faisait la force des modèles cités : à la fois en invitant le lecteur à s’identifier à un héros vengeur et brutal tout en le tenant à distance et en montrant le parcours qui le mène à la folie. Construit sur un motif circulaire (c’est une prise d’otage avec enfant qui ouvre et qui conclut le livre), Acid Cop séduit également par la verve de ses dialogues hauts en couleur. Particulièrement salés, ils font rire (souvent) et impriment au récit son rythme impeccable.
De quoi réjouir les amateurs du genre…
Libellés : Gore, Horreur, Karnage, Littérature populaire