Irréductible
« De toutes les
marchandises le mot demeure la plus insignifiante » peut-on lire dans le
numéro 4 de Résidu, fanzine « à
l’ancienne » confectionné avec soin par Gérard Lauve sur sa machine à
écrire et consciencieusement découpé, assemblé sur sa table de cuisine en
formica. Si le mot n’est plus un possible pavé lancé au ciel de la marchandise,
que peut-il bien rester ?
Peut-être ce genre de
« petits » territoires à défendre, ces « résidus » que l’on
définira, au sens propre, comme ce qui « ne peut être réduit ». Pour
Gérard Lauve, « six numéros à son actif, parfaitement capable des grandes choses
qu’il n’accomplira jamais », il s’agit de revenir aux origines, à la
lettre, la graphie (jeux constants avec les ratures, les textes compressés,
brouillés…) et de réinventer les expérimentations des grands ainés :
calligrammes, poésies lettristes, détournements situationnistes, parataxe… Notre
auteur est, par ailleurs, passionné de culture populaire et recycle sous forme
fragmentaire des récits d’espionnage venus des kiosques de gare ou la
science-fiction spéculative tendance Chute
Libre.
Si, selon Jean-Bernard Pouy,
Spinoza encule Hegel ; on pourra voir dans Résidu SAS croiser Guy Debord, Ballard faire des
papouilles à Baudrillard et Jaime Semprun se réconcilier avec Jean-Patrick
Manchette.
Sur une vague trame de roman
d’anticipation et d’espionnage se greffent des aphorismes (« dans un monde
aussi parfaitement manufacturé que le nôtre, il ne convient d’écrire qu’à
partir d’objets reproductibles afin de proposer au lecteur un reflet convenable
de son paysage intérieur »), des cases de bande-dessinée aux phylactères
détournés et un ensemble de signes (schémas, plans, fiches explicatives…)
renvoyant à un état des lieux du désastre contemporain.
Ne voyons cependant aucune
prétention dans ces petits fascicules brillant par leur caractère ludique,
empreints d’humour et gageons qu’ils seront, tôt ou tard, recherchés avidement
par les collectionneurs de publications résolument underground et poétiques.
En attendant, on peut passer
commande auprès du maître d’œuvre ici :
Libellés : détournement, fanzine, Gérard Lauve, Internationale situationniste