Sarkozy et la culture
Pas le temps, malheureusement, d'alimenter cette cave. Je ne vous parlerai donc pas de mes dernières lectures (tant pis pour Manchette, Mirbeau, Desnos et les autres). Je ne ferai pas non plus de compte-rendu de l'amusant pastiche de Saint-Simon effectué par Patrick Rambaud qui pose dans Chronique du règne de Nicolas 1er un regard sarcastique sur les débuts de règne de notre président. Pas de quoi crier au chef-d'oeuvre (mais le sujet, tellement médiocre, ne s'y prête pas !) mais l'ensemble est très plaisant et quelques passages sont bien vus et assez drôles. Un exemple :
"Notre Grand Leader posait un regard uniforme sur tout, et l'idée qu'il en tirait n'était régie que par la pure efficacité. L'école? Elle devait fournir des contribuables pour éponger la dette nationale; elle devait former, voire formater, des apprentis, des ouvriers, des employés, des boutiquiers, des ingénieurs. Il l'avait annoncé avant même son règne et très haut : "On a bien le droit de faire lettres anciennes, mais l'Etat ne va pas pouvoir payer longtemps pour des gens qui veulent cultiver leur esprit." Cela inversait le sens habituel des études depuis l'Antiquité : qui apprenait la sagesse chez Sénèque ou Platon se rangeait du côté des improductifs et des assistés, et ne servait en rien quand nous avions besoin de travailleurs durs à la tâche, peu regardants au salaire, dociles, polis, qui n'avaient point à réfléchir sur les étoiles puisque sa Majesté pensait à leur place, ce qui permettait à la fois de gagner du temps et de l'argent. Qui n'était point rentable devait périr; cela valait aussi pour les Universités dont Notre Maître entendait couper les branches mortes, ces matières sans issues concrètes et immédiates, et qu'elles devinssent privées, à la main des entreprises qui y puiseraient leur futur personnel. Ainsi y aurait-il une compétition entre établissements, des diplômes plus ou moins valides et plus ou moins chers, parce que si l'étudiant paie des études longues de sa poche, il s'efforce mieux de réussir; cantonnés aux études courtes, les démunis n'engorgeraient plus les amphithéâtres.
Après avoir aidé par un gros cadeau impérial et fiscal les mieux favorisés, Notre Paternel Leader cherchait le moyen de remplir ses caisses, vidées de nombreux milliards. Il voyait la Culture comme un gâchis, puisque le théâtre, la danse, l'opéra et autres fariboles artistiques suscitaient chez lui des envies de course à pied, donc il donna ses instructions pour réduire les aides et les subventions à ces gens-là, qui vivaient au crochet d'un Etat bonasse. Aussi dans ce domaine, l'Empereur exigeait des résultats, décidant que la demande supplantât l'offre, que la création répondit aux attentes du public. Si on lui rétorquait qu'il y avait eu bien des pièces, bien des livres, bien des films qui, à leur sortie, avaient été fraîchement reçus ou même sifflés, avant de devenir des classiques, que MM.La Fontaine et Molière eux-mêmes avaient été subventionnés par Louis XIV, Sa Majesté répondait se moquer bien des largesses de Louis XIV, que son ami M.Clavier plaisait aux masses sans que l'Etat le payât de surcroit, que ni M.Macias ni Mme Line Renaud n'avaient besoin que l'on puisât pour leurs spectacles dans le Trésor public. C'était imparable.Il n'y avait désormais plus que des produits à vendre, et même les oeuvres d'art de nos musées pourraient être vendues si cela rapportait. Les subsides de l'Etat allaient être distribués en fonction de la fréquentation des salles de cinéma et de théâtre, et tout le reste dépendrait étroitement du box-office qui, lui, ne discutait pas. "
"Notre Grand Leader posait un regard uniforme sur tout, et l'idée qu'il en tirait n'était régie que par la pure efficacité. L'école? Elle devait fournir des contribuables pour éponger la dette nationale; elle devait former, voire formater, des apprentis, des ouvriers, des employés, des boutiquiers, des ingénieurs. Il l'avait annoncé avant même son règne et très haut : "On a bien le droit de faire lettres anciennes, mais l'Etat ne va pas pouvoir payer longtemps pour des gens qui veulent cultiver leur esprit." Cela inversait le sens habituel des études depuis l'Antiquité : qui apprenait la sagesse chez Sénèque ou Platon se rangeait du côté des improductifs et des assistés, et ne servait en rien quand nous avions besoin de travailleurs durs à la tâche, peu regardants au salaire, dociles, polis, qui n'avaient point à réfléchir sur les étoiles puisque sa Majesté pensait à leur place, ce qui permettait à la fois de gagner du temps et de l'argent. Qui n'était point rentable devait périr; cela valait aussi pour les Universités dont Notre Maître entendait couper les branches mortes, ces matières sans issues concrètes et immédiates, et qu'elles devinssent privées, à la main des entreprises qui y puiseraient leur futur personnel. Ainsi y aurait-il une compétition entre établissements, des diplômes plus ou moins valides et plus ou moins chers, parce que si l'étudiant paie des études longues de sa poche, il s'efforce mieux de réussir; cantonnés aux études courtes, les démunis n'engorgeraient plus les amphithéâtres.
Après avoir aidé par un gros cadeau impérial et fiscal les mieux favorisés, Notre Paternel Leader cherchait le moyen de remplir ses caisses, vidées de nombreux milliards. Il voyait la Culture comme un gâchis, puisque le théâtre, la danse, l'opéra et autres fariboles artistiques suscitaient chez lui des envies de course à pied, donc il donna ses instructions pour réduire les aides et les subventions à ces gens-là, qui vivaient au crochet d'un Etat bonasse. Aussi dans ce domaine, l'Empereur exigeait des résultats, décidant que la demande supplantât l'offre, que la création répondit aux attentes du public. Si on lui rétorquait qu'il y avait eu bien des pièces, bien des livres, bien des films qui, à leur sortie, avaient été fraîchement reçus ou même sifflés, avant de devenir des classiques, que MM.La Fontaine et Molière eux-mêmes avaient été subventionnés par Louis XIV, Sa Majesté répondait se moquer bien des largesses de Louis XIV, que son ami M.Clavier plaisait aux masses sans que l'Etat le payât de surcroit, que ni M.Macias ni Mme Line Renaud n'avaient besoin que l'on puisât pour leurs spectacles dans le Trésor public. C'était imparable.Il n'y avait désormais plus que des produits à vendre, et même les oeuvres d'art de nos musées pourraient être vendues si cela rapportait. Les subsides de l'Etat allaient être distribués en fonction de la fréquentation des salles de cinéma et de théâtre, et tout le reste dépendrait étroitement du box-office qui, lui, ne discutait pas. "
Libellés : pastiche, Rambaud, Sarkozy, Ultra-droite