Bibliothèque idéale n°19 : Fantastique et merveilleux
Peter Ibbetson (1891) de George du Maurier (Gallimard. L’imaginaire. 1986)
Une seule question m’est venue à l’esprit en lisant le merveilleux roman de George du Maurier : pourquoi avoir mis tant de temps à me plonger dans cette œuvre ? Pourquoi avoir différé sans arrêt l’évidence de cette rencontre ?
Je ne pouvais pas ne pas aimer ce livre. D’une part, parce que son auteur a été célébré par des gens aussi divers que Breton et les surréalistes, Robert Benayoun (qui offre une place à Du Maurier dans son anthologie du nonsense) et Noël Godin (qui classe l’auteur de Peter Ibbetson parmi les « humoristes ne sachant pas toujours « jusqu’où on peut aller trop loin » »).
D’autre part, parce que j’ai vu et énormément aimé l’adaptation cinématographique de Peter Ibbetson signée Henry Hathaway (avec Gary Cooper). Enfin parce que j’avais également lu un autre roman de George du Maurier (rappelons qu’il fut le grand-père de Daphné, auteur des Oiseaux et de Rebecca), Trilby, qui m’avait beaucoup plu.
Pourquoi ce livre si célébré (à juste titre) est un pur joyau littéraire, un chef-d’œuvre absolu d’un dessinateur humoristique qui devint écrivain sur ses vieux jours ?
Deux raisons essentielles.
La première, c’est celle qui valut au roman l’enthousiasme fiévreux des surréalistes. Il s’agit, en effet, d’un des plus beaux récits d’amour fou de la littérature mondiale. Et si l’amour qui lie depuis l’enfance Peter Ibbetson et la duchesse de Towers s’avère si extraordinaire, c’est qu’il s’épanouit par le biais des rêves des personnages. Même lorsqu’ils sont séparés physiquement (par les murs d’une prison, par exemple), nos deux amants se retrouvent la nuit dans ces « rêves vrais » qui leur permettent toutes les fantaisies (revoir les lieux de leur enfance, assister à de fameux concerts, posséder toutes les toiles de maîtres…). Quelques années avant Freud, un romancier fantaisiste a le génie de s’intéresser aux rêves et à la puissance insoupçonnée du subconscient humain. Ses conclusions n’ont rien de « scientifiques » mais il en tire des effets poétiques d’une force extraordinaire.
Rarement on aura vu histoire d’amour aussi absolue, aussi touchante, aussi indélébilement bouleversante puisque la duchesse n’hésite pas à proclamer : « Un amour comme le mien est plus fort en vérité que la mort ! ».
Amour sublime où les personnages font du monde des songes leur terrain de jeu tandis que la vie « réelle » devient, d’une certaine manière, le moment où ils veillent et dorment dans la médiocrité du quotidien.
La deuxième raison qui hisse ce roman au rang des chefs-d’œuvre, c’est le ton du Maurier. Déjà dans Trilby, j’avais été séduit par l’évocation nostalgique des années de bohème que connut l’auteur à Paris. On retrouve dans Peter Ibbetson les mêmes parfums mélancoliques d’une enfance heureuse passée par un petit anglais (on l’appelait alors Jojo) en France sous Louis-Philippe (avant que Badinguet et l’immonde Haussmann défigurent la plus belle ville du monde !). Les évocations de l’auteur sont frappées du sceau de la mélancolie et d’un humour british irrésistible. Les pages qu’il consacre à la jeunesse de son héros sont absolument magnifiques, traversées par des portraits ironiques ou touchants de personnages hauts en couleurs (ces « fous » avec qui se lie Jojo). Même lorsque Jojo devient adulte et prend le nom de Peter, le livre reste emprunt de nostalgie pour cette période bénie de l’enfance. Et tous les rêves tournent autour des souvenirs d’un jardin, de la mare d’Auteuil et d’autres lieux familiers pour les amants.
Je n’en dis pas plus : inutile d’alourdir par mes mots patauds les impressions si pénétrantes et émouvantes que ce livre laisse à l’esprit du lecteur. Si vous ne connaissez pas Peter Ibbetson, précipitez-vous chez votre libraire où chez les bouquinistes : c’est une pure merveille dont aucun superlatif n’épuisera le charme…
NB : Le récit de voyage et d’exploration ne semble pas vous avoir inspiré beaucoup ! J’espère que vous serez plus prolixes en ce qui concerne le genre fantastique et que vous me conseillerez un tas de livres à posséder d’urgence dans sa « bibliothèque idéale »…
Libellés : amour fou, Bibliothèque idéale, George du Maurier, Littérature fantastique
13 Comments:
J'achève à l'instant la merveilleuse Fille du Roi des Elfes de Lord Dunsany, et c'était absolument magnifique.
De Théophile Gautier, « La morte amoureuse ». Mon conte fantastique préféré en langue française...
L'intégrale de Lovecraft. Mais ton choix est excellent. Les nouvelles de sa fille ne sont pas à négliger en repensant à celle dans laquelle un jardinier est victime des racines d'un arbre... On peut ajouter toutes les nouvelles de Roald Dahl...
Bernard Alapetite
Ben je ne dis rien car nous n'avons pas du tout le même goût en ce qui concerne le fantastique et le merveilleux et j'ai pas envie de me faire jeter des cailloux... Mais il paraît effectivement que la fille du roi des Elfes a inspiré Tolkien et donc de ce fait toute la fantasy contemporaine...
Rafaël : Je ne connais pas ce roman mais comme le souligne Beux, le titre m'évoque l'héroic fantasy, genre avec lequel je n'ai AUCUNE accroche!
Noctémédia : Argh! Encore un auteur auquel il faudra que je m'attèle un jour!
Bernard : J'adore Roald Dahl dont les nouvelles relèvent surtout de l'humour noir. Mais il est vrai que le fantastique n'est jamais très loin... Quant à Lovecraft, par lequel me conseilles-tu de débuter?
La fille du roi des Elfes est un conte de fée (avec sorcière, joli prince...) bien plutôt qu'un roman d'héroïc fantasy. Mais la frontière est assez ténue, non ?
Pour Lovecraft, je viens de terminer le recueil "Je suis d'ailleurs", certaines nouvelles sont assez glaçantes...
C'est un bon sujet pour s'y remettre. J'ai plusieurs rayons de livres de cette catégorie quoique j'en lise moins qu'à une époque : Tolkien, Moorcock, Rice Burroughs, Farmer, Hodgson, Lovecraft (je te conseillerais "Le cas du dr Charles Dexter Ward" ou "Les rats dans les murs" pour commencer, Leiber, Howard, Haggard, Matheson... il y a le choix. S'il faut en conserver un, je mettrais Abraham Merritt, dont "Brule, sorcière, brule" est un classique, adapté par Tod Browning au cinéma.
J'ajoute en post-scriptum que le film de Hattaway avec Cooper ne m'avait pas convaincu, bien qu'il ait une forte réputation auprès des surréalistes.
Vincent : j'attendais pour te répondre d'avoir fait ma note sur Matheson que je classe plutôt, comme Farmer, dans la catégorie SF.
J'espère que tu viendras me conseiller des titres dans cette catégorie...
Joli choix, le Matheson, un roman lu assez jeune et que j'avais adoré. Mais il a travaillé autant dans le fantastique que dans la SF. d'ailleurs, "Je suis une légende" mêle la Science fiction au mythe plutôt fantastique des vampires... Et puis Matheson a écrit une magnifique et terrifiante histoire de maison hantée : "La maison des damnés".
J'ajoute que sa collaboration avec Spielberg ne se limite pas à "Duel" puisqu'il a aussi écrit "La quatrième dimension" et plusieurs épisodes de "Amazing Stories".
Dans le genre fantasy matiné SF, j'adore "Les Hommes Machines contre Gandahar", dont Laloux s'est inspiré pour son moins bon film. JP Andrevon est un être exquis.
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Que Dios os bendiga.
Merci beaucoup pour cette article comme toujours très intéressant .
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