Les mots de l'amour
Petit lexique savant et
impertinent des mots du sexe
(2019) de Dolmancé (Editions d’Orbestier, 2019)
De
sources sûres (puisque ce sont les miennes), se cacherait derrière ce
pseudonyme sadien un auteur qui fit autrefois les beaux jours des éditions de
la Brigandine qui me sont si chères. Et si certains persistent à avoir des
doutes, des indices sérieux nous mettent vite la puce à l’oreille. Primo, les
images illustrant ce petit ouvrage licencieux proviennent du coffret Nues 1925 paru aux éditions Deleatur en
1982. Secundo, à l’entrée « Aphrodisiaque » du lexique, on apprend
que le viagra, avec ses propriétés vasodilatatrices, serait également efficace
contre le mal des montagnes. Après avoir entendu l’un de ses amis lui confier
« C’est super, au-dessus de quatre mille mètres, tu n’as plus mal au
crâne, mais tu arrives au sommet avec une érection d’enfer », Dolmancé
nous donne un conseil qu’il avait déjà illustré dans l’un de ses romans
brigandinesques « Alpinistes, joignez l’utile à l’agréable :
forniquez sur le Mont Blanc ! » Si vous n’avez pas encore deviné, je
vous renvoie à cette indispensable somme (toute modestie honteusement mise de
côté !) encore disponible aux éditions Artus.
D’ « Aahhh ! »
et « Abricot fendu » à « Zob » et « Zoophilie »,
l’auteur nous propose de musarder autour des choses du sexe le temps d’un
lexique polisson où les entrées anatomiques (si j’ose dire) voisines avec les
entrées culturelles (on retrouvera bien évidemment les grands noms de la
littérature érotique, qu’il s’agisse de Sade, Louÿs ou Apollinaire mais
également Nerciat, Bernard Noël, Léo Barthe ou le mystérieux Noirceuil (qui
n’est autre que Dolmancé. Vous suivez ?)) et les termes charmants tombés
en désuétude (« gamahucher », « feuille de rose », « pédication »…)
Soyons
honnête, les notices sont très courtes et ce n’est pas l’aspect
« scientifique » de l’ouvrage qui séduira le lecteur (même s’il reste
de bon ton de savoir distinguer, le temps d’un diner mondain, la
« fellation » de « l’irrumation »). En revanche, si
Dolmancé nous réjouit constamment, c’est par la délicieuse impertinence dont il
fait constamment usage.
Dès
la première page, l’entrée « Addiction » annonce la couleur et nous
met en joie :
« Le
sexe est addictif, le mot est à la mode. Si vous rêvez toute la journée de
petites bites éjaculantes (mesdames) ou de cramouilles version fontaine de
Trévi (messieurs), courez vite chez un spécialiste qui vous remettra dans le droit
chemin : du lundi au vendredi, travail ; le samedi, les courses à
l’hyper ; le dimanche, messe ou PMU »
Tout
le livre est placé sous le signe d’une ironie libertaire qui fit la singularité
de La Brigandine. Dolmancé, à l’instar du héros de La Philosophie dans le boudoir, professe un sain dégoût pour tout
ce qui touche de près ou de loin à la religion. Un exemple entre cent à
l’entrée « Religion et sexualité » :
« La
palme revient, évidemment, aux religions du « Livre », funeste
engeance qui a peuplé la Terre de frustrés obsédés par leur bite et de petite
souris peureuses craignant ladite comme la gale : les tenants du judaïsme,
du christianisme et de l’islam, s’ils éprouvent une joie sans limite à
s’étriper pour savoir qui a la Vérité vraie du dieu unique-qui-n’est-pas-celui-du-voisin,
s’accordent au moins sur ce point : plaisir out ! et la femme à la cuisine et au lit pour pondre des
mioches. »
L’auteur
ne se prive pas non plus d’égratigner toute forme de pouvoir « Sans
remonter aussi loin, nos chers présidents républicains affichent souvent des
mœurs de satrapes orientaux, attirant à eux d’intrigantes créatures qui se
trouvent nanties d’un maroquin en moins de temps qu’il n’en faut à un énarque
intègre (oxymore ?) pour accéder au poste de chef de bureau. D’aucun, sans
doute peu accaparé par la charge du pouvoir, allait livrer des croissants en
scooter à sa belle. Et, souvenez-vous, ce grand argentier du FMI fuyant en
catastrophe un hôtel de luxe new-yorkais pour avoir bousculé une chambrière –
lui qui se croyait irrésistible dégringola de son piédestal en quelques
heures. »
On
pourrait quasiment tout citer, des petites remarques sarcastiques du style
« Le mouvement LGBT organise notamment les célèbres marches de la fierté,
qui sont à la sexualité ce que les cortèges syndicaux étaient à la lutte de
classe, le côté festif en plus. » ou d’autres qui derrière leur lucidité
amusée pourraient presque paraître plus amères, notamment lorsque l’auteur
évoque « l’indécence » : « Il est généralement question de
l’indécence des tenues vestimentaires féminines. Il ne viendrait à l’esprit de
personne de trouver indécent un quinqua mal rasé au ventre mou se promenant en
short et en marcel dans une rue fréquentée. »
On
aura compris que ce petit lexique parvient à joindre l’utile à l’agréable
puisqu’on s’y cultive en s’amusant et que l’esprit qui l’anime est d’une
irrévérence précieuse et réjouissante.
Libellés : Anarchisme, érotisme, La Brigandine, Sade, sexualité
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