Le retour de Rocambole
Le
jour où mon alzhei’mère échappa aux griffes d’un nazi constipé grâce à un
Croate à la coiffure étrange (2019) de Laurence
Kleinberger (Editions du Basson, 2019)
J’ignore si c’est vraiment le cas mais, depuis le succès du roman de Romain Puértolas L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, il semblerait que les titres à rallonge aient le vent en poupe. Après J’ai pas tué Gérard, enfin je crois…, Laurence Kleinberger récidive avec Le jour où mon alzhei’mère échappa aux griffes d’un nazi constipé grâce à un Croate à la coiffure étrange (c’est dans ces instants que je regrette de ne pas être payé au nombre de signes !) que l’on peut considérer comme une « suite » du premier roman même si on le lira aisément sans connaître le précédent. En effet, nous retrouvons ici les personnages pittoresques de Franckie Apfelstrudel, de sa cousine Lilith, qui fait office de narratrice, et de son amie Victoire. C’est cette dernière qui enclenche le récit dans la mesure où, pour se venger de son patron, elle a saboté le dernier travail qu’elle devait effectuer. En guise d’implants capillaires, elle a orienté les cheveux de façon à dessiner un gros zob sur le crâne de son patient. Or il se trouve que ledit patient est un tueur croate et que Victoire l’a désormais aux trousses !
J’ai revu il y a peu Le Coup du parapluie de Gérard Oury et je dois avouer que j’ai eu un peu de mal au début : gags antédiluviens, une certaine lourdeur… Et pourtant, une fois que la mécanique est en branle (avec les quiproquos ad hoc), ça fonctionne et on se laisse séduire par une écriture bien huilée et un rythme échevelé. Le roman de Laurence Kleinberger m’a fait le même effet. Au départ, c’est un peu de l’humour « brut de décoffrage » reposant sur des situations « hénaurmes », une certaine crudité et un style parlé à l’emporte-pièce. Et puis peu à peu, on se laisse prendre par ces situations rocambolesques, cette accumulation surréaliste d’événements improbables (avec l’apparition assez désopilante des Daft Punk mais je n’en dis pas plus) et un sens de l’humour absurde qui s’avère parfois tordant.
Bien sûr, on peut émettre quelques réserves et Laurence Kleinberger ne fait pas toujours dans la dentelle, notamment lorsqu’elle nomme son méchant nazi (oui, ils apparaissent aussi dans cette histoire !) Verboten Kacka et qu’à l’instar du docteur Bérillon -ce savant devenu fou qui focalisa dans ses travaux sur les matières fécales des allemands- elle barbote dans la scatologie. Néanmoins, l’ensemble est rondement mené et on rit souvent alors on pardonne volontiers quelques facilités pour se laisser prendre par l’indéniable sens du burlesque de l’écrivaine.
Parfois, l’humour fait office, selon la formule consacrée, de « politesse du désespoir » dans la mesure où l’héroïne du roman est une paumée un brin dépressive dont la mère est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Mais chez Laurence Kleinberger, les personnages décalés et malmenés par la vie finissent par se retrouver et former une petite communauté pittoresque (dans un kibboutz en Israël !) et tout finit bien.
Rythmé par des chapitres courts qui alternent les points de vue, Le jour où mon alzhei’mère échappa aux griffes d’un nazi constipé grâce à un Croate à la coiffure étrange est un roman enlevé et attachant.
Libellés : absurde, burlesque, Humour noir, Laurence Kleinberger, scatologie
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