Bibliothèque idéale n°43 : la philosophie
Manuel ( ?) d’Epictète (Rivage poche. 1994)
Vous allez dire que je me paye votre tête. Voilà un certain temps que je n’ai point donné de nouvelles de la « bibliothèque idéale » et je vous propose, en guise de retour, un ouvrage qui fait à peine…80 pages.
Ne croyez pas que la philosophie d’Epictète soit difficile à lire et que j’ai peiné pendant de longues semaines pour arriver au bout : je me suis juste dispersé dans mes lectures en terminant ces derniers temps la monumentale histoire du surréalisme de Gérard Durozoi, un livre sur Brel, le Pedro Paramo de Juan Rulfo et beaucoup de revues (le dernier numéro, inepte, des Cahiers du cinéma, le premier, splendide, de Cinérotica…).
Bref, me voilà de retour avec la catégorie « philosophie ». J’avoue ne pas avoir choisi la difficulté pour cette fois (mais j’ai tellement de livres qui m’attendent que j’ai hâte d’en finir avec cette « bibliothèque idéale » !) : ce manuel se composant de petites réflexions ne présentant aucun problème de compréhension (ce qui n’est pas toujours le cas lorsqu’on aborde la philosophie et son jargon) et formant un corpus où se dessine de manière particulièrement claire les principes de la philosophie stoïcienne.
« Si tu veux être libre, il ne faut avoir attrait ou répulsion pour rien de ce qui dépend des autres. Sinon on est forcément esclave ».
Voilà une formule qui résume à peu près la pensée d’Epictète et des stoïciens. La liberté n’existe nulle part ailleurs qu’en nous et seul un parfaitement détachement vis-à-vis des choses du monde peut nous conduire sur ces chemins de la liberté. Il s’agit donc, pour le philosophe, de renoncer à tout ce qui ne dépend pas de l’individu (les vicissitudes du corps, la gloire, la richesse, le pouvoir…) pour uniquement se concentrer sur des éléments sur lesquels l’individu a prise : sa volonté, ses désirs, ses opinions… Autrement dit :
« Conduite et caractère du philosophe : il n’attend avantage ou dommage que de lui-même ».
Plutôt que de vous faire une longue analyse de la philosophie stoïcienne (ce dont je serais bien incapable !), je vous propose de réfléchir aux enjeux « actuels » d’une telle pensée. Car d’un côté, ce stoïcisme peut apparaître comme une puissante preuve de force et de caractère (l’homme parvient à se blinder contre toutes les « agressions » extérieures puisqu’il a accepté de ne pas pouvoir les changer) et propose une ligne de conduite qu’il n’est pas idiot de méditer, en particulier lorsque Epictète énonce la vanité qu’il y a de vouloir imposer son opinion ou vanter sa philosophie avant d’en appliquer les principes. Réfléchissez ainsi au nombre de personnes à qui vous pourriez dire :
« Dans un dîner par exemple, ne raconte pas comment il faut manger : mange comme il faut. »
Inversement, et c’est l’hypothèse de Leopardi qui préface mon édition, le stoïcisme peut apparaître également comme un terrible aveu de faiblesse en ce sens qu’il est un éloge constant de la résignation. Puisque tu ne peux pas dévier la marche du monde, accepte-la et protège toi au fond de ton être. L’esprit romantique et révolté trouvera cette attitude un peu lâche et terriblement pernicieuse puisqu’elle ne pourrait être viable qu’à condition que tout le monde se comporte de la même manière (il est certain que les politiques actuels comptent sur le stoïcisme, assez frappant, de leurs administrés pour les plumer de plus belle !)
Voilà un vaste débat que je ne poursuivrai pas plus avant, vous laissant le soin, après vous avoir quand même recommandé ce très agréable petit Manuel, de me conseiller les ouvrages de philosophie que vous placeriez dans votre bibliothèque idéale…
Libellés : Bibliothèque idéale, Epictète, philosophie, stoïcisme
6 Comments:
ouvert un ouvrage de philosophie, c'est dommage mais on ne peut pas tout faire. Seule exception, De l'inconvénient d'être né de Cioran, qui se trouve toujours à portée de main. "Si le dégoût du monde conférait à lui seul la sainteté, je ne vois pas comment je pourrais éviter la canonisation". Je pense à cette phrase après chaque journée de boulot... :)
"La philosophie, cette chienne avorteuse d'elle-même" écrivait Léon Bloy.
Désolé mais je n'ai pas pu résister au plaisir de la replacer.
Diderot, encore et toujours.
Le Marquis de Sade pour vérifier la réalité des bienfaits thérapeutiques de l'activation des muscles zygomatiques (mais c'est peut-être personnel).
Et si j'osais, je dirais ce certain philosophe de la vie qu'est Alexandre-Benoît Bérurier :D
Pablo : j'aime aussi beaucoup la définition qu'Ambrose Bierce donne de la philosophie dans son "dictionnaire du diable" :
"Route comportant de nombreuses voies et qui s'étend de nulle part à rien."
Myriam : Diderot, oui; Sade, encore plus oui :
"la volupté n'admet aucune chaîne, elle ne jouit jamais mieux que quand elle les rompt toutes; or plus un être a d'esprit, plus il brise les freins : donc l'homme d'esprit sera toujours plus propre qu'un autre aux plaisirs du libertinage."
ECCE HOMO, de Nietszche. "Je ne veux pas etre un saint, plutot encore un pitre"
Merci beaucoup pour ce site et toutes les informations qu’il regorge. Je le trouve très intéressant et je le conseille à tous !
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