La part de Dieu et la part du Diable
De l’abjection (1939) de Marcel Jouhandeau (Gallimard. L’imaginaire. 2006)
*Marcel Jouhandeau, écrivain français (1888-1979) faisant partie de l’écurie NRF. Œuvre abondante, notamment le fameux Journal (28 volumes), et d’inspiration essentiellement autobiographique. Une fois de plus, c’est le rouge au front que je vous avoue que je n’avais jusqu’à présent ouvert aucun livre de cet auteur.
*De l’abjection. Etrange objet qui relève à la fois de l’essai, de l’évocation autobiographique et d’un recueil de maximes. A partir de son expérience propre (la courte partie consacrée à quelques récits de souvenirs d’enfance est assez stupéfiante), Jouhandeau entame une réflexion sur le Mal et la connaissance qu’il peut en avoir. L’œuvre met alors en valeur les conflits intérieurs qui agitent l’écrivain et il tente de cerner ce goût qui le fait toujours pencher vers le vice et son « idée fixe ».
*Ecrivain catholique, Jouhandeau n’est religieux que dans la mesure où il croit également (surtout) à l’Enfer. L’idée de Dieu, il ne peut l’envisager qu’en ayant fait l’expérience des gouffres, du Mal. Dans cet « essai », il dissèque son âme et se livre en toute impudeur, confessant ses fautes et parvenant au mysticisme par la voie du vice.
*Il est souvent question dans ce livre d’une « idée fixe », d’un désir irréfragable, d’un appétit insatiable pour le vice et la volupté. Ces désirs qui torturent Jouhandeau, c’est un certain penchant (pour ne pas dire un penchant certain) pour les garçons. De ses premières expériences homosexuelles jusqu’à ses « rites » adultes (sur lesquels il reste très allusif), il tire toute sa réflexion et donne d’intéressantes clés de son rapport à autrui.
*« Il ne faudrait surtout pas vivre avec les autres comme avec d’autres soi-même et c’est exactement ce que je fais. ». Voilà le genre de maxime qui me transperce en plein cœur et qui ouvre soudain sous vos pieds des puits bien sombres. D’où ma difficulté à parler de cet essai qui me touche particulièrement alors que je ne partage absolument pas les appétences de Jouhandeau (je n’ai aucun, mais alors pas le moindre, penchant homosexuel).
*« Souverain maître du monde, j’offre un beau dimanche à l’humanité entière assemblée -un brouet empoisonné par mes soins. Le lendemain lundi quelle paix, mais bientôt quelle peste dont je meurs, fou de solitude. » Qui dit mieux ?
*J’avoue que les deux visages de Jouhandeau me touche beaucoup, d’un côté le misanthrope incapable de supporter le poids du regard des autres, de l’autre, l’éternel curieux de son prochain, l’amoureux éperdu des corps et des âmes d’autrui. « En tout quel conformisme chez les autres. Pas chez moi ; aussi je les accepte individuellement chacun tour à tour, mais je ne saurais les souffrir en bloc. »
*De l’abjection, c’est la voix d’un homme qui cherche son chemin dans les sentiers broussailleux de son âme et qui cherche à fixer les vertiges, les troubles les plus enfouis qui nous agitent tous (essayez de vous l’avouer !). Je dirais bien qu’il y a du Georges Bataille là dedans mais je connais trop peu l’auteur pour avoir peur de faire un contresens (même si j’avoue m’en foutre royalement : ce blog n’a rien d’un travail d’universitaire en lettres, il se contente de consigner quelques impressions d’un néophyte et d’essayer de partager le mieux possible certaines émotions avec d’autres)
*« Qu’est-ce que la volupté, si elle n’est pas l’occasion d’un grand trouble moral ? ou le prix d’un risque éternel ? »
The end.
Libellés : Bataille, Jouhandeau, Mal, NRF
2 Comments:
Bataille et Jouhandeau me laissent indifférent... Je ne comprends pas bien tout ça... Il faut dire que je coince déjà au titre à la Irving, je ne crois ni à Dieu ni à diable :-) Vive le curé Meslier.
Superbe article qui m’a donné de vrais pistes pour mes articles à moi. Je testerai dès le prochain article. Pour dire j’ai même mis la page dans mes favoris.
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