La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

jeudi, mai 17, 2007

Z comme Zweig

Le joueur d’échecs (1943) de Stefan Zweig (Le livre de poche. 1995)

Mon rapport à Stefan Zweig est assez étrange. Les quelques récits et nouvelles (la confusion des sentiments, Lettre d’une inconnue…) qui me sont tombés sous la mains m’ont toujours beaucoup plu mais je ne me suis jamais totalement mis, pour une raison que je ne m’explique pas, à cet auteur. Voyant arrivé la lettre Z, j’ai décidé de me plonger dans son fameux Joueur d’échecs qui apparaît davantage comme une longue nouvelle que comme un véritable roman. Et pourtant, par sa manière de briser la narration en enchâssant deux récits différents (celui d’un joueur d’échecs presque analphabète qui devient champion du monde et celui d’un docteur autrichien enfermé dans une chambre d’hôtel par la gestapo), Zweig parvient à donner une densité et une ampleur considérable à son histoire.

Pour la première fois dans son œuvre (il s’agit du dernier texte de Zweig, publié pour la première fois en 1943 à titre posthume puisque le grand écrivain s’est suicidé en 1942), l’auteur se réfère au contexte international (l’invasion de l’Autriche par l’Allemagne nazie et les persécutions). Il en tire une fable étrange et plutôt abstraite où le jeu d’échecs tient lieu de métaphore étonnante.

Dans un premier temps, Zweig évoque la fulgurante ascension de ce rustre paysan qui devient champion d’échecs. Le jeu d’échecs, sans doute le seul où n’entre pour aucune part le hasard, apparaît alors comme une logique implacable qui s’acquiert en dehors de toute « intelligence ». Czentovic a beau être une brute épaisse, personne au monde n’est plus doué que lui pour faire évoluer des pièces sur un échiquier. Face à lui, le Docteur B. apparaît également victime de cette même monomanie. Sauf qu’elle fut pour lui le seul secours pour échapper à la torture psychologique infligée par la gestapo. Dans cette passion pour les échecs se devine à la fois une volonté de s’abstraire du monde et de sa folie pour entrer dans un univers totalement mathématiques et logique mais également un remède pour lutter contre sa propre déréliction et la folie qui le ronge.

La manière dont Zweig met en scène l’affrontement de ces deux logiques est passionnante et témoigne de la richesse de son écriture. Ce très court roman se dévore comme un polar avec un trépidant suspense (qui va emporter les parties ?) tout en allant très au-delà, naviguant au bord de la folie (celle du personnage renvoyant à celle de l’époque) et d’une certaine abstraction.

C’est vraiment très beau.

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1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Pour une fois que tu parles de quelqu'un que j'ai lu :)

J'avais un peu le même sentiment que toi sur cet auteur et puis j'ai entendu Cavada (oui, le Jean-marie), parler avec force de son livre autobiographique : "Le monde d'hier". Là, j'ai vraiment été emballé et je tiens ce bouquin pour une oeuvre majeure. Si tu ne l'as pas lu, je te le conseille.

8:38 AM  

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