La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

jeudi, mai 17, 2007

X comme Xénophon

L’anabase (vers -390 avant J.-C.) Le banquet (vers -380 avant J.-C.) de Xénophon (Garnier Flammarion. 1996)

Le choix pour la lettre X fut tellement limité qu’il me poussa sans hésitation vers Xénophon. Autant dire que n’ayant pas fait d’histoire grecque depuis fort longtemps (une dizaine d’années), je craignais un peu cette plongée dans l’Antiquité. L’anabase étant, effectivement, une épopée historique où l’Athénien Xénophon raconte la campagne menée par Cyrus, frère du roi de Perse Artaxerxés, qui tente de s’emparer du trône à l’aide des troupes spartiates et de mercenaires grecs. Xénophon prend part à cette expédition des Dix Mille qui se termine par la mort de Cyrus à Counaxa. Dès lors, de simple « spectateur », Xénophon devient l’un des principaux chefs de l’armée chargé d’organiser la retraite et de retourner en Grèce.

Au départ, il s’agit de se remettre dans le contexte de l’époque (la fin de la guerre du Péloponnèse et l’hégémonie de Sparte) et de se rappeler un peu laborieusement nos vagues souvenirs de cours (les lacédémoniens, ce sont bien les spartiates ; où se situe l’Arcadie…). Après cette très légère préparation, le récit de l’anabase se révèle beaucoup moins rébarbatif que je ne le craignais. Ecrit en très cours chapitres, eux-mêmes assez découpés ; nous suivons non sans un certain plaisir les différentes phases de l’expédition et les différentes manœuvres stratégiques mises en place par l’armée grecque pour se tirer de mauvais pas. Certains passages où les hommes de Xénophon traversent l’actuel Kurdistan et se trouvent confrontés à la rigueur de l’hiver (la neige qui freine la marche, le froid qui gangrène les membres…) sont même assez palpitants.

Reste à savoir le rôle réel de l’auteur des Helléniques, frappé d’exil par Athènes à l’époque où il entreprend ce récit. Cherche t-il par là à justifier sa conduite et à s’attirer les lauriers ? Certains auteurs ont parlé de l’anabase comme d’une simple œuvre apologétique : je laisse régler cette question aux spécialistes. Toujours est-il qu’il apparaît ici comme un redoutable stratège (toujours confiant envers les dieux et les augures) et comme un habile orateur toujours prompt à s’attirer la sympathie de l’armée par une certaine rectitude morale.

A côté de cela, le banquet apparaît comme une œuvre beaucoup plus légère et anecdotique. Mais Xénophon nous expose d’emblée son ambition en écrivant : « Il me semble que non seulement les actions sérieuses des hommes bons et beaux, mais encore leurs divertissements sont dignes de mémoires. ». Nous voilà donc chez le richissime Callias pour un banquet où se retrouvent un certain nombre de personnalités, dont Socrate de qui Xénophon fut disciple. De nombreux sujets sont abordés ce soir-là : la beauté, la vertu, la richesse et la pauvreté, l’Amour physique et spirituel, la volonté des dieux…Là encore, il n’est pas de mon ressort de vous exposer toute la dimension philosophique de l’ouvrage qui, apparemment, aurait été écrit après le célèbre Banquet de Platon. Mais cette petite quarantaine de pages se lisent très agréablement et nous propulsent dans l’intimité des grands hommes de la Grèce antique avec beaucoup d’humour et de vie. Xénophon n’a sans doute pas la profondeur de Platon ni sa richesse de pensée mais, d’après le préfacier de cette édition, il nous représente un Socrate sans doute plus proche de la réalité que celui mis en scène par Platon.

Rien que pour entendre la voix de ce glorieux personnage, le livre mérite le coup d’œil…

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2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Un bel article du recueil Pourquoi lire les classiques, par Italo Calvino, est consacré à l'Anabase de Xénophon. Et je me souviens d'avoir été ébloui par le commentaire de son "Hiéron ou Traité sur la tyrannie", fait par Leo Strauss (Leo Strauss, De la tyrannie, Gallimard, 1954, rééd. dans la coll. Tel). En Xénophon s'allient le penseur et l'aventurier ; il est, en somme, l'un des plus anciens précurseurs du colonel Lawrence et d'André Malraux...

3:33 PM  
Blogger Dr Orlof said...

Merci pour les références! Je ne m'attendais pas à un commentaire sur cet article : j'en suis surpris et ravi!

4:25 PM  

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