L comme Léautaud
Le petit ami de Paul Léautaud (1902) (Gallimard. L’imaginaire. 2001)
La fin du 19ème siècle et le début du 20ème, ce ne sont pas seulement les écrivains décadents et le millénarisme exacerbé d’une littérature éprise de « faisandailles ». Ce fut aussi la « Belle époque » où s’exprimèrent la joie de vivre, la bohême artistique et une foi invincible dans un Progrès (symbolisé par l’exposition universelle de 1900) que le premier conflit mondial n’allait pas tarder à vite remettre en question.
Pour ceux qui, comme moi, avait de Léautaud une image de vieux misanthrope conchiant la terre entière dans son Journal et ne réservant son affection qu’à ses chats, la découverte du Petit ami révèle un jeune homme gai, profitant pleinement d’une certaine joie de vivre parisienne.
Il s’agit ici d’un livre autobiographique où l’auteur commence par décrire avec une verve teintée d’un humour irrésistible sa vie de patachon actuelle. L’image de l’écrivain cloîtrée, s’esquintant la santé devant sa feuille blanche pour tenter d’accoucher de son prochain chef-d’œuvre vole en éclat face à l’évocation d’une vie où le travail passe après la détente et où rien ne vaut ces moments où l’auteur passe ses soirées au music-hall avec celles qu’il appelle ses « amies » (des prostituées).
Avec une ironie goguenarde et beaucoup de tendresse, Léautaud trace un tableau incroyablement vivant de cette bohême parisienne où les cocottes se mêlent aux artistes, aux actrices, aux chanteuses. Il se dégage de cette série de portraits une vivacité qui évoque la peinture de Toulouse-Lautrec. C’est d’un charme fou, plein de drôlerie et la pointe de misogynie qui surgit ça et là est compensée par l’incroyable compassion que l’auteur a pour ces « fleurs de la nuit » qu’il porte très justement au pinacle.
Le plus amusant dans ce Petit ami, c’est que le récit semble se construire au fur et à mesure qu’il avance. Léautaud évoque ses frasques actuelles puis, au troisième chapitre, se plonge dans ses souvenirs d’enfance. Là encore, son style léger, où se mêlent l’ironie et la nostalgie, fonctionne à merveille. Le petit Paul n’a quasiment pas connu sa mère et ne garde d’elle qu’une image précise (dans une chambre). Son père, homme à femmes, rentrant rarement à la maison ; il fut élevé en grande partie par sa vieille bonne Marie. Suit une évocation pleine de finesse de ces vieux quartiers parisiens où il vécut et un hommage pour ces femmes qui marquèrent son enfance (aussi bien sa bonne que, -déjà !-, les prostituées travaillant en ces lieux).
Les deux chapitres suivants reviennent sur les « petites amies » : portraits hauts en couleurs et parfois bouleversant lorsque l’auteur nous raconte la fin tragique de l’émouvante Perruche. Entre les lignes de ce livre se dessinent souvent de grandes tristesses mais Léautaud a toujours la pudeur de se draper dans une certaine distance amusée pour ne pas sombrer dans le pathos. Son récit est toujours fin et léger.
Au chapitre 6, le livre semble soudain bifurquer brusquement puisque Paul, le temps d’un enterrement, est amené à retrouver sa mère, cette femme qu’il adule par-dessus tout. Commence alors une étrange relation, d’abord passionnée (à la limite de l’inceste, parfois) puis douloureuse (correspondance et rupture). Léautaud ne semble jamais en vouloir à cette mère absente et lui dédie au contraire ses plus belles lignes (il publiera par la suite ces fameuses lettres à sa mère).
Dans ce rendez-vous manqué avec elle se devine en filigrane tout ce que seront les rapports de Léautaud avec les femmes : l’adoration qu’il leur voue à quoi s’ajoute une incapacité chronique à s’attacher à l’une d’entre elles.
Le petit ami constitue vraiment (pour moi) une très belle découverte. A l’inverse de quelqu’un comme Angot, Léautaud ne sombre jamais dans l’auto complaisance et sait distancier son autobiographie par un style étourdissant de légèreté (même s’il revendique, en conclusion, son « absence de style ») et par une ironie qui n’empêche ni le drame, ni la nostalgie.
Ce livre se dévore d’un trait et on en ressort ragaillardi.
Sans doute parce que Léautaud a su nous transmettre le plaisir qu’il a eu d’écrire, lui qui note qu’ « on n’écrit bien, on n’a d’idées que dans les moments d’émotion et de plaisir. Vouloir écrire quand on n’est pas ému et heureux, c’est bien souvent perdre son temps et ne rien faire de bon. »
La fin du 19ème siècle et le début du 20ème, ce ne sont pas seulement les écrivains décadents et le millénarisme exacerbé d’une littérature éprise de « faisandailles ». Ce fut aussi la « Belle époque » où s’exprimèrent la joie de vivre, la bohême artistique et une foi invincible dans un Progrès (symbolisé par l’exposition universelle de 1900) que le premier conflit mondial n’allait pas tarder à vite remettre en question.
Pour ceux qui, comme moi, avait de Léautaud une image de vieux misanthrope conchiant la terre entière dans son Journal et ne réservant son affection qu’à ses chats, la découverte du Petit ami révèle un jeune homme gai, profitant pleinement d’une certaine joie de vivre parisienne.
Il s’agit ici d’un livre autobiographique où l’auteur commence par décrire avec une verve teintée d’un humour irrésistible sa vie de patachon actuelle. L’image de l’écrivain cloîtrée, s’esquintant la santé devant sa feuille blanche pour tenter d’accoucher de son prochain chef-d’œuvre vole en éclat face à l’évocation d’une vie où le travail passe après la détente et où rien ne vaut ces moments où l’auteur passe ses soirées au music-hall avec celles qu’il appelle ses « amies » (des prostituées).
Avec une ironie goguenarde et beaucoup de tendresse, Léautaud trace un tableau incroyablement vivant de cette bohême parisienne où les cocottes se mêlent aux artistes, aux actrices, aux chanteuses. Il se dégage de cette série de portraits une vivacité qui évoque la peinture de Toulouse-Lautrec. C’est d’un charme fou, plein de drôlerie et la pointe de misogynie qui surgit ça et là est compensée par l’incroyable compassion que l’auteur a pour ces « fleurs de la nuit » qu’il porte très justement au pinacle.
Le plus amusant dans ce Petit ami, c’est que le récit semble se construire au fur et à mesure qu’il avance. Léautaud évoque ses frasques actuelles puis, au troisième chapitre, se plonge dans ses souvenirs d’enfance. Là encore, son style léger, où se mêlent l’ironie et la nostalgie, fonctionne à merveille. Le petit Paul n’a quasiment pas connu sa mère et ne garde d’elle qu’une image précise (dans une chambre). Son père, homme à femmes, rentrant rarement à la maison ; il fut élevé en grande partie par sa vieille bonne Marie. Suit une évocation pleine de finesse de ces vieux quartiers parisiens où il vécut et un hommage pour ces femmes qui marquèrent son enfance (aussi bien sa bonne que, -déjà !-, les prostituées travaillant en ces lieux).
Les deux chapitres suivants reviennent sur les « petites amies » : portraits hauts en couleurs et parfois bouleversant lorsque l’auteur nous raconte la fin tragique de l’émouvante Perruche. Entre les lignes de ce livre se dessinent souvent de grandes tristesses mais Léautaud a toujours la pudeur de se draper dans une certaine distance amusée pour ne pas sombrer dans le pathos. Son récit est toujours fin et léger.
Au chapitre 6, le livre semble soudain bifurquer brusquement puisque Paul, le temps d’un enterrement, est amené à retrouver sa mère, cette femme qu’il adule par-dessus tout. Commence alors une étrange relation, d’abord passionnée (à la limite de l’inceste, parfois) puis douloureuse (correspondance et rupture). Léautaud ne semble jamais en vouloir à cette mère absente et lui dédie au contraire ses plus belles lignes (il publiera par la suite ces fameuses lettres à sa mère).
Dans ce rendez-vous manqué avec elle se devine en filigrane tout ce que seront les rapports de Léautaud avec les femmes : l’adoration qu’il leur voue à quoi s’ajoute une incapacité chronique à s’attacher à l’une d’entre elles.
Le petit ami constitue vraiment (pour moi) une très belle découverte. A l’inverse de quelqu’un comme Angot, Léautaud ne sombre jamais dans l’auto complaisance et sait distancier son autobiographie par un style étourdissant de légèreté (même s’il revendique, en conclusion, son « absence de style ») et par une ironie qui n’empêche ni le drame, ni la nostalgie.
Ce livre se dévore d’un trait et on en ressort ragaillardi.
Sans doute parce que Léautaud a su nous transmettre le plaisir qu’il a eu d’écrire, lui qui note qu’ « on n’écrit bien, on n’a d’idées que dans les moments d’émotion et de plaisir. Vouloir écrire quand on n’est pas ému et heureux, c’est bien souvent perdre son temps et ne rien faire de bon. »
Libellés : Léautaud, littérature.
3 Comments:
Misogynie : Des Photos prises par une femme
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Eric
www.maillardhebdo.com
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voyance
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