Des plumes et du goudron
Repenti. Renan Luce
C’est au mois d’avril dernier (voir ici) que j’ai découvert Renan Luce sur scène. En fait, nous étions, mes amis et moi, allés voir Bénabar et nous n’étions pas les seuls. Le Zénith était plein à craquer ce soir là et l’ambiance surchauffée. C’est alors que nous découvrîmes un petit jeune homme qui allait avoir la rude tâche d’assurer la première partie du spectacle, seul avec sa guitare sèche. Jeu périlleux où j’ai déjà vu échouer des artistes pourtant très doués (je pense à l’excellent Bastien Lallemant, jouant dans une indifférence totale à un grand concert gratuit en plein air). Renan Luce parvint pourtant à emporter haut la main son pari et réussit même à faire reprendre en cœur à la foule ses petits airs guillerets.
J’avais trouvé sa prestation vraiment sympathique mais ne me sentais pas transporté au point d’acheter l’album. Et puis j’ai entendu ça et là quelques titres que je connaissais sans leurs arrangements instrumentaux et me suis laissé séduire.
J’ai donc acheté ce premier album qui s’avère vite être une jolie réussite.
L’ayant découvert avec Bénabar, nous aurions tendance à le ranger dans la même famille, celle des trentenaires décalés (avec Aldebert et Jeanne Cherhal, par exemple). Le critique de Télérama le place quant à lui aux côtés de Thomas Fersen et d’Alexis HK (sans doute pour cette propension qu’à Luce de bricoler de petites fictions drôles ou tragiques, toujours insolites). Si l’auteur-compositeur-chanteur ne me semble pas avoir encore la maturité de Fersen ni son génie d’une écriture à nulle autre égale ; j’admets qu’il y a une communauté d’esprit qui n’empêche d’ailleurs pas Renan Luce de développer un univers personnel et d’imposer sa patte.
Ca commence par ce qui est appelé sans doute à devenir son tube, à savoir Les voisines, délicieuse petite comptine sur le plaisir d’observer les fenêtres d’en face, de surprendre une jolie voisine qui se change (remarquez que ce genre d’aventure n’arrive que dans les chansons ou dans les films !) ou d’admirer leurs dentelles sécher sur les balcons. Morceau délicieusement enjoué qui va donner la tonalité de l’album : humour décalé, saynètes quotidiennes transfigurées par l’écriture, art de croquer des portraits insolites ou tragiques…Renan Luce a un vrai don pour faire vivre en quelques mots des personnages assez farfelus comme ce mafioso repenti qui a donné ses anciens complices et qui vit désormais terré dans « la banlieue nord de Dijon » (Repenti), cette jeune femme qui vend des « trucs qui ne servent à rien » (Camelote) ou encore ce fossoyeur narcoleptique, héros d’un des morceaux les plus réussis de l’album (Monsieur Marcel).
A côté de ces titres rigolards, l’inspiration du chanteur peut aussi virer au tragique. Plusieurs chansons sont hantées par l’idée du suicide, en particulier La lettre, très beau morceau où le narrateur se place du point de vue de la feuille de papier qui va recueillir les derniers mots d’un homme bien décidé à en finir avec la vie (« J’aurais pu être pressée sur le cœur d’une enfant/ Ecoutant dans mes lignes la voix de son amant/ Ou être le pliage d’un gamin de huit ans/ Et voler dans les airs sous les rires des enfants/ Mais je tourne la page d’une triste histoire/ Qui dit que le chemin n’était pas tellement long…/Pas tellement long…). Le titre est assez bouleversant et la voix rauque et un brin éraillée de Renan Luce fait merveille à ce moment.
Au final, l’album parvient à nous faire sourire, à nous toucher et ses petites mélodies deviennent vite entêtantes. Jolie réussite donc, et satisfaction de voir que la famille de la « nouvelle chanson française » s’agrandie en accueillant en son sein un nouveau venu qui ne tardera pas à se faire une place bien à lui. C’est tout le mal que l’on souhaite à Renan Luce…
Libellés : Bénabar, Chanson française, Luce
4 Comments:
Effectivement très bon, et je trouve d'ailleurs qu'il était particulièrement adapté à une première partie de Bénabar : il a la même façon d'être parfois très drôle et parfois très émouvant (La lettre et lacrymal Circus).
Quant à Pierre Lapointe, que j'ai écouté pour la première fois grâce à toi, il me rappelle Manset pour ma part, et c'est un compliment
Hey hey heyyyyy c'est re-moi!
Tout ça pour dire que ya le nouvel Aldebert qui est sorti (semi-déception pour moi, moins bien que l'année du singe en tout cas), et que si ça te dit je te conseille Nosfell, c'est assez ultime.
Salut l'ami, ô toi l'unique lecteur de ce blog! Aldebert, j'en reparle très prochainement. Par contre, je ne connais pas Nosfell : j'irai écouter ça...
Heureuse d'être parmi vous et découvrir vos postes. J’espère que vous partagez d'autres notes. Continuez ainsi.
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