La victoire des moulins à vent
En attendant le roi du monde (2006) d’Olivier Maulin. Ed. L’esprit des péninsules
Depuis que la société spectaculaire marchande et la dictature du marché et de l’économie sont parvenues à asservir tous les domaines de la vie sociale, il ne semble plus exister aucune issue de secours. La révolte ? Pff ! Démodée. Reste la fuite en avant. C’est cette option que choisissent Ana et Romain lorsqu’ils décident d’émigrer à Lisbonne. Sous le regard sceptique de Romain, cette dernière lui explique que le Portugal est le pays de l’avenir et qu’ils trouveront là-bas du travail et de quoi bâtir leur vie.
Nous voilà donc lancés sur les traces de ce couple qui trouve refuge dans une pension occupée par une galerie de personnages haut en couleur. Nous suivrons ensuite les pérégrinations de ces deux émigrants qui n’ont plus rien des conquérants d’antan et dont l’épopée ne cessera de conserver l’allure dérisoire de ses débuts.
En commençant ce livre, j’ai réalisé qu’il était édité par la maison qui a publié il y a quelques années La littérature sans estomac de Jourde et Naulleau. Par association, je me suis dit que nous étions ici face à de la littérature avec estomac, un premier roman révélant un auteur au style déjà affirmé. Toutes proportions gardées, les premiers chapitres évoquant le voyage en bus de Paris à Lisbonne m’ont fait songer à Céline. Même ambiance apocalypto-burlesque, même regard sans concession sur une humanité à la fois méprisable mais digne de compassion. Le narrateur se trouve placé derrière une portugaise à l’odeur infecte et nous voilà plongés dans l’atmosphère du bus où tous les vieux lorgnent sur le décolleté vertigineux d’Ana tandis que Romain tente tant bien que mal d’oublier les effluves de parfum de sa voisine qui se mêlent aux odeurs de crasse et de vomi.
Le ton est donné : En attendant le roi du monde sera un livre virulent et burlesque (on rit vraiment très souvent), d’un lyrisme dérisoire tant ses personnages ne cesseront en vain de chercher à s’évader du marasme contemporain.
Après avoir campé avec beaucoup de talent l’installation du couple dans la pension lusitanienne (je recommande les cours de langue que prend Romain !), Maulin fait apparaître un personnage de grutier exalté au nom significatif : Lucien Pontifex. Comme Romain, Lucien ne croit plus en rien mais son nihilisme le pousse à la plus intransigeante des révoltes et l’emporte vers des rêves de croisades. « Ce monde est à détruire, croyez-moi. On y voue un culte sans limites à la bassesse d’âme et à l’uniforme du maillot de bain. Plus c’est veule, plus c’est dégoûtant, plus c’est commun et plus l’homme, telle la truie dans son fumier, se délecte de ses propres puanteurs » ; voilà le type même de discours qu’il tient. A partir du moment où surgit ce personnage pittoresque, le livre évoque (toujours toutes proportions gardées !) le chef-d’œuvre de John Kennedy Toole La conjuration des imbéciles. Il y a alors du Don Quichotte chez ces personnages bien décidés à en découdre avec ce « monde de l’erreur complète » [William Blake] alors que leur seule évasion consiste à consommer des substances illicites (ce qui nous vaudra quelques scènes oniriques un peu moins réussies même si l’on sourit d’apprendre de quelle manière George Bush a avalé de travers son bretzel. Malheureusement, ce type est tellement con qu’il a réussi à se louper !).
A travers cette épopée dérisoire, Olivier Maulin montre assez bien le désarroi d’une époque où ne reste plus en place que les moulins à vent et où l’attaque frontale contre le monde semble désormais inenvisageable (le dernier assaut de 68 s’étant soldé par un échec). Le livre est assez désabusé mais pas désespéré, plein de punch et de vitalité, écrit d’une manière féroce et drôle. Il est en tout cas très prometteur et annonce sans aucun doute la naissance d’un véritable écrivain.
Depuis que la société spectaculaire marchande et la dictature du marché et de l’économie sont parvenues à asservir tous les domaines de la vie sociale, il ne semble plus exister aucune issue de secours. La révolte ? Pff ! Démodée. Reste la fuite en avant. C’est cette option que choisissent Ana et Romain lorsqu’ils décident d’émigrer à Lisbonne. Sous le regard sceptique de Romain, cette dernière lui explique que le Portugal est le pays de l’avenir et qu’ils trouveront là-bas du travail et de quoi bâtir leur vie.
Nous voilà donc lancés sur les traces de ce couple qui trouve refuge dans une pension occupée par une galerie de personnages haut en couleur. Nous suivrons ensuite les pérégrinations de ces deux émigrants qui n’ont plus rien des conquérants d’antan et dont l’épopée ne cessera de conserver l’allure dérisoire de ses débuts.
En commençant ce livre, j’ai réalisé qu’il était édité par la maison qui a publié il y a quelques années La littérature sans estomac de Jourde et Naulleau. Par association, je me suis dit que nous étions ici face à de la littérature avec estomac, un premier roman révélant un auteur au style déjà affirmé. Toutes proportions gardées, les premiers chapitres évoquant le voyage en bus de Paris à Lisbonne m’ont fait songer à Céline. Même ambiance apocalypto-burlesque, même regard sans concession sur une humanité à la fois méprisable mais digne de compassion. Le narrateur se trouve placé derrière une portugaise à l’odeur infecte et nous voilà plongés dans l’atmosphère du bus où tous les vieux lorgnent sur le décolleté vertigineux d’Ana tandis que Romain tente tant bien que mal d’oublier les effluves de parfum de sa voisine qui se mêlent aux odeurs de crasse et de vomi.
Le ton est donné : En attendant le roi du monde sera un livre virulent et burlesque (on rit vraiment très souvent), d’un lyrisme dérisoire tant ses personnages ne cesseront en vain de chercher à s’évader du marasme contemporain.
Après avoir campé avec beaucoup de talent l’installation du couple dans la pension lusitanienne (je recommande les cours de langue que prend Romain !), Maulin fait apparaître un personnage de grutier exalté au nom significatif : Lucien Pontifex. Comme Romain, Lucien ne croit plus en rien mais son nihilisme le pousse à la plus intransigeante des révoltes et l’emporte vers des rêves de croisades. « Ce monde est à détruire, croyez-moi. On y voue un culte sans limites à la bassesse d’âme et à l’uniforme du maillot de bain. Plus c’est veule, plus c’est dégoûtant, plus c’est commun et plus l’homme, telle la truie dans son fumier, se délecte de ses propres puanteurs » ; voilà le type même de discours qu’il tient. A partir du moment où surgit ce personnage pittoresque, le livre évoque (toujours toutes proportions gardées !) le chef-d’œuvre de John Kennedy Toole La conjuration des imbéciles. Il y a alors du Don Quichotte chez ces personnages bien décidés à en découdre avec ce « monde de l’erreur complète » [William Blake] alors que leur seule évasion consiste à consommer des substances illicites (ce qui nous vaudra quelques scènes oniriques un peu moins réussies même si l’on sourit d’apprendre de quelle manière George Bush a avalé de travers son bretzel. Malheureusement, ce type est tellement con qu’il a réussi à se louper !).
A travers cette épopée dérisoire, Olivier Maulin montre assez bien le désarroi d’une époque où ne reste plus en place que les moulins à vent et où l’attaque frontale contre le monde semble désormais inenvisageable (le dernier assaut de 68 s’étant soldé par un échec). Le livre est assez désabusé mais pas désespéré, plein de punch et de vitalité, écrit d’une manière féroce et drôle. Il est en tout cas très prometteur et annonce sans aucun doute la naissance d’un véritable écrivain.
Libellés : Maulin
1 Comments:
En voilà une bonne idée de futur article en effet On lit un peu tout et parfois son contraire sur le sujet !
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