La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

dimanche, mai 18, 2008

Bibliothèque idéale n°17 : le roman historique

Le parfum (1985) de Patrick Süskind (France Loisirs. 1994)



J’ignore par la grâce de quelles contorsions les auteurs de la « Bibliothèque idéale » sont parvenus à faire entrer Le parfum dans le cadre des romans historiques mais toujours est-il que cette classification un brin saugrenue m’a bien arrangé dans la mesure où elle m’a permis d’aborder un genre dont je ne suis guère friand par le biais d’un « best-seller » très agréable à lire.

De plus, cela m’a permis d’éviter des pavés que je souhaite lire depuis une éternité (Salammbô de Flaubert, Guerre et paix de Tolstoï…) mais que je repousse sans arrêt en raison d’un manque évident de temps et des ouvrages qui s’accumulent dans ma bibliothèque sans que je les aie lus !

Certes, Le parfum se déroule bien au 18ème siècle en France, sous le règne de Louis XV ; mais cet ancrage historique ne constitue même pas une toile de fond à l’histoire extraordinaire de Jean-Baptiste Grenouille, enfant né sans la moindre odeur mais doté de capacités olfactives hors du commun.

Devenu adolescent, Grenouille va utiliser son « flair » pour se faire engager chez un parfumeur et le rendre richissime. Mais il va aussi s’en servir pour fomenter un projet prométhéen et machiavélique (je sais que beaucoup d’entre vous connaissent le roman mais je renâcle cependant à déflorer totalement l’intrigue, comme c’est le cas sur l’exemplaire que j’ai dégotté aux puces).

Je me suis demandé en lisant ce roman bien après tout le monde ce qui avait bien pu susciter un tel engouement. Non pas que le livre soit mauvais (il est assez captivant et plutôt bien écrit même si je trouve que certains passages –est-ce du à la traduction ?- sont un peu lourds) mais je l’ai trouvé très sombre et plutôt glauque (personnellement, ça me plaît beaucoup mais ce n’est pas ce genre de littérature qui « marche ») d’une part ; d’autre part, l’intrigue policière que laisse supposer le sous-titre (Histoire d’un meurtrier) est plutôt secondaire et Süskind ne cherche jamais à jouer la carte du suspense.

Peut-être que l’auteur, à l’instar de son héros maléfique, a trouvé le secret pour envoûter les populations en leur offrant une réflexion assez habile sur la Beauté et l’Idéal. Car si Grenouille deviendra au cours du récit un assassin, c’est moins par goût du sang ou folie meurtrière que par « logique esthétique ». Il s’agit pour lui de créer une sorte « d’œuvre » parfaite lui permettant, comme tout créateur, d’égaler les dieux. L’excellente idée de Süskind, c’est d’avoir déporté cette problématique du Beau des yeux (traditionnellement, c’est par la vue que nous embrassons la Beauté) au nez.

Le tableau parfait que veut constituer Grenouille n’est pas à base de couleurs et de lignes mais d’une symphonie d’odeurs variées. Le Beau, l’Idéal deviennent alors des choses totalement abstraites et évanescentes, impossibles à saisir par le seul biais de la Raison (d’où peut-être cette ancrage au siècle des Lumières).

Süskind parvient à bâtir un roman assez troublant car il a beau présenter son Grenouille comme un monstre, un scélérat ; il n’en demeure pas moins une sorte d’artiste prêt à tout pour atteindre une certaine perfection esthétique.

Autant dire que le succès du roman n’a rien de « suspect » et que le parfum n’est pas un « coup » commercial mais une véritable œuvre, à la fois captivante et profonde.

NB : Question traditionnelle : quels romans historiques placeriez-vous dans votre Bibliothèque idéale ?

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6 Comments:

Blogger Le pendu said...

De cette liste, Salammbo est superbe, énorme, magnifique (d'autant que ce n'est pas du roman historique mais de l'heroic fantasy : je défends ce point de vue ici)

Les trois mousquetaires reste un roman très lisible et très drôle. Le Hussard sur le toit est épique et terrifiant (assez misanthrope dans mon souvenir)
Je garde aussi un excellent souvenir de ND de Paris, à condition d'apprécier le père Hugo (moi, je l'aime bien)

Ma re-lecture des Rois maudits m'avait pas mal déçu, le style ne tenait pas la route. L'ado que j'étais s'en moquait, mais on vieillit...

J'y ajouterais volontiers les deux/trois premiers tomes des Fortune de France, de Robert Merle. Certes, ce sont des best-sellers, certes c'est lu par des grand-mères, mais il y a une énergie et une qualité d'invention de la langue qui en font une oeuvre tout à fait passionnante !

10:02 AM  
Anonymous Anonyme said...

La passion de l'antiquité (surtout romaine) tenant une grande place dans ma vie, je mettrais tout en haut de la pile les 3 tomes de "Moi, Claude empereur" de Robert Graves livre admirable qui a donné une série télévisée made in BBC non moins admirable et édité avec sous titre français l'année dernière. Je ne vais pas revenir sur Yourcenar mais outre l'oeuvre au noir dont je t'ai déjà parlé "Les mémoires d'Adrien est un de mes livres de chevet. Il y a aussi le très réjouissant "Sinouhé l'égyptien" (édité jadis chez Orban) idéal pour la plage ou une croisière en Egypte. Je rêve de boire la queue de crocodile, boisson très fortement alcoolisée dans le livre malheureusement Waltari n'en donne pas la recette. "Le pendu" a raison Robert Merle est un auteur sous estimé dans sa bibliographie je prendrais "l'ile".J'ai toujours aussi une tendresse pour ma lecture d'enfance que fut "Les exploits du mouron rouge (beaux petits livres chez Nelson pas chers chez les bouquinistes).Salammbo bien sûr... Il ne faut pas oublier la Bande dessinée avec la série des Murena la rome de Néron façon Jacques Martin (Alix est aussi incontournable) + Fellini...
Bernard Alapetite

8:45 AM  
Blogger Dr Orlof said...

Merci à vous deux pour ces conseils.
C'est amusant comme la "réception" d'un genre peut nous amener à avoir des sentiments différents vis-à-vis des oeuvres.
Pour des gens comme moi qui n'aiment pas les romans historiques, des gens comme Jacques Martin ou Robert Merle représentent le cauchemar absolu (et ça, depuis ma tendre enfance! je n'ai jamais pu lire plus de deux pages d'un "Alix"!)
Idem pour Druon : je me suis toujours moqué de ma cousine dévorant "les rois maudits"
Par contre, je vois qu'il faudra malgré tout que je me mette à Salammbo, histoire de me réconcilier avec le genre...

5:51 PM  
Blogger Le pendu said...

Autant je suis d'accord pour Jacques Martin (les Alix sont d'un ennui profond, si on n'est pas un adolescent ou si on ne s'amuse pas à chercher le sous-texte homosexuel, énorme...), autant je ne suis pas d'accord pour Robert Merle.
Certes, il a eu du succès (est-ce un défaut?), certes il a fait 12 volumes là où un aurait suffi. Mais les deux/trois premiers Fortune de France offrent une tentative vraiment intéressante de faire quelque chose de nouveau avec du roman historique, notamment dans le travail de la langue, tout à fait exceptionnel - réussir à faire sonner une langue comme au 16ème, faire sentir la saveur de l'époque, sans rebuter le lecteur, ce n'est pas rien. Ca n'a rien à voir avec les rois maudits, le Dallas des capétiens (même si ça reste rigolo à lire, ce n'est pas indispensable...)

6:03 PM  
Blogger tyery1 said...

Pour ma part je reste dans le classique avec la trilogie des mousquetaire (les 3 mousquetaires ...; 20 ans après ; et le viconte de bragelonne), lu et relu, j'ai beau connaitre l'histoire; en livre, film, dessin animée...ça passe toujours aussi bien.
Et toujours dans le classique : "scaramouche" et "capitaine blood" de Sabatini...
En même temps maintenant c'est de l'historique ou de l'aventure?
enfin bon voila 2 choix parmi tant de pépites

8:07 PM  
Anonymous voyance par mail said...

Excellent article de qualité. Je suis tout à fait d’accord .

12:35 PM  

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