La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

lundi, août 28, 2006

Interdit au moins de 18 ans (pause libertine)

Pybrac de Pierre Louÿs (éditions Allia. 2005)

J’ai accumulé un tel retard dans mes notes que je ne sais plus comment vous parler de tous les livres que j’aie lus depuis un mois à moins de pondre un papier de huit pages. De plus, j’ai envie de consacrer à certains titres une note à part entière, comme c’est le cas pour ce petit recueil de poésies pornographiques de l’immense Pierre Louÿs Je vous ai déjà parlé de cet écrivain (et serai amené à le faire encore très prochainement !) dont la postérité n’a malheureusement retenu que deux romans : Aphrodite et La femme et le pantin. Or son œuvre mérite mieux. Ecrivain érudit, féru d’hellénisme, Louÿs fut également un grand libertin et un fieffé érotomane (il avoua avoir connu bibliquement près de 2500 femmes !). Toute son œuvre, des poèmes des Chansons de Bilitis aux nouvelles de Sanguines en passant par ses romans sont imprégnés d’une sensualité lourde, d’un érotisme fin de siècle voluptueux et capiteux. Pas étonnant qu’en marge de ses écrits « officiels », l’auteur ait signé de nombreuses œuvres érotiques beaucoup plus lestes (franchement pornographiques, en fait), d’abord publiées sous le manteau à sa mort puis redécouvertes depuis les années 70-80 (je vous renvoie à la collection de Fascination où Louÿs fait figure d’emblème).

Les excellentes éditions Allia ont réédité la plupart de ces textes « interdits », que ce soit le célèbre Manuel de civilité pour les petites filles (dont nous parlions avec un aimable correspondant) ou son roman Trois filles de leur mère. En attendant de découvrir ces titres que je n’aie toujours pas réussis à dénicher, j’ai pu découvrir Pybrac, hallucinant recueil de quatrains d’une verdeur inouïe.
Il s’agit tout d’abord d’une parodie. Le seigneur de Pibrac était un magistrat et poète toulousain qui publia, au 16ème siècle, un certain nombre de quatrains moralisateurs dont on peut imaginer le caractère édifiant. Louÿs fait mine de reprendre à son compte cette forme sentencieuse (tous ses quatrains ou presque commencent par la formule « Je n’aime pas à voir »…) et la détourne en décrivant les frasques sexuelles les plus crues. Un exemple :

« Je n’aime pas à voir le studieux potache
Qui se branle à plein poing derrière sa maman
Et, sans même songer que le foutre ça tache,
Décharge sur la robe avec ravissement ».

Je ne sais pas pour vous mais moi, ça me fait hurler de rire ! Comme le souligne la postface de ce livre, cette litanie se déroulant au rythme des alexandrins finit par créer un « effet quasiment hypnotique, à la façon de véritables mantras pornographiques ». C’est là où peut se voir la supériorité de la littérature sur le cinéma. Alors que le cinéma porno se réduit à la sinistre répétition de deux, trois figures convenues ; Louÿs arrive, par la grâce de son style, à être toujours inventif, à renouveler le genre à chaque quatrain. A la décharge (si j’ose écrire !) du septième art, il est bien évidemment impossible d’aller aussi loin que l’écrivain et la représentation achoppe devant ce flot littéraire incontrôlable qui va très, très loin (certains vers sont vraiment très « trash ». Ce n’est pas forcément le pire mais dans le genre celui-là n’est pas mal :
« Je n’aime pas à voir qu’une actrice allemande
Courre aux water-closets sans prendre de bougeoir
S’encule par erreur sur un homme qui bande
Et fasse refouler l’étron qui voulait choir.).

Le recueil s’avère également assez fidèle aux obsessions de l’auteur (le saphisme, son goût pour les jouvencelles…) et témoigne parfois d’un anticléricalisme assez délicieux (c’est le dernier exemple, je vous le promets)

« Je n’aime pas à voir la maîtresse du Pape
Qui, pour monter en grade et changer de milieu,
Coïte avec un Christ en forme de Priape
Et se croit chaque soir la maîtresse de Dieu. »

On aura comprit que ce recueil s’adresse à un public averti. Mais, dans le genre, c’est un régal…

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2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Oh Pierre Louÿs !
C'est un auteur que j'aime beaucoup, "Le Manuel de civilité pour les petites filles" est une merveille d'humour et une critique si juste des conventions sociales. Je suis d'accord avec vous, filmer cela serait impossible. Mais quelle imagination quelle énergie ! Quand il m'arrive de voir des films souvent "american pie-iser" (sauf un passage du 2eme absolument burlesque qui pousse la situation jusqu'à l'absurde) voulant faire de la fausse provocation en parlant de sexe... Dans la plupart des écrits de Pierre Louÿs ne peut être crédible, c'est burlesque, social. Je me souviens d'une annecdote dans un de ses romans inachevé ou il était interdit aux hommes de décharger dans les rues parceque les vieilles dames et les nounous pouvaient glisser dessus et se casser le col du fémur. Qu'est ce que j'avais pu rire avec cela.
Merci pour cet avis, vous en parlez bien mieux que moi.

12:16 AM  
Anonymous voyance gratuite par mail rapide said...

Bravo pour ce nouveau projet qui risque d’être passionnant ! Tous mes meilleurs vœux de réussite.

3:19 PM  

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