La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

mercredi, mars 12, 2008

Bibliothèque idéale n°6 : Littératures de la Méditerranée orientale et du Maghreb

Nedjma (1956) de Kateb Yacine (Points Seuil. 1996)

Quatre jeunes gens dans l’Algérie colonisée par les français. Rachid, Mustapha, Mourad et Lakhdar se font engager comme manœuvres sur des chantiers. Lakhdar sort de prison pour avoir frappé un odieux petit contremaître qui le brimait. Tous les quatre sont, d’une manière ou d’une autre, liés par le sang. Et tous sont attachés à la figure énigmatique de Nedjma (« étoile » en arabe), jeune femme qui finit par devenir le portrait allégorique d’une nation…

Nedjma est construit un peu à la manière des derniers films de Gus Van Sant : par petits segments fragmentaires et cycliques, qui se jouent de la chronologie et proposent de revenir sur un même évènement mais d’un autre point de vue. Pour Kateb Yacine, il ne s’agit pas d’offrir une vision globale de ce que fut l’Algérie de la deuxième guerre mondiale au milieu des années 50 (début de la guerre d’indépendance), mais de proposer, sous formes de bribes, des trajets individuels, de confronter divers points de vue afin d’aboutir à un tableau pointilliste de ce qu’est et pourrait être l’Algérie.

Je trouve le début du roman assez passionnant (la langue de Kateb Yacine est parfaite), l’auteur parvenant très rapidement à créer un climat pesant où ces quatre jeunes algériens sont la proie idéale à la fois du despotisme colonial mais également d’une suspicion généralisée des habitants sédentarisés. Suspectés parce que l’un a été un étudiant agitateur, que l’autre a déserté et que certains d’entre eux ont connu la prison…

Quand arrive la figure de Nedjma, les choses se corsent un peu. Disons que Kateb Yacine tente de nous faire saisir une généalogie extrêmement complexe (j’aurais du noter sur une feuille les liens entre les personnages car j’ai fini par m’y perdre), à base de remariages, d’adoptions et d’incestes. Il ne s’agit plus de dessiner le portrait d’une jeune femme mais d’en faire une allégorie d’un pays né de conflits entre diverses tribus, agitée par des convoitises multiples.

Ce n’est pas inintéressant mais sans doute ne disposé-je pas des pré requis nécessaire pour goûter parfaitement les enjeux du livre. Avec ses incessants flash-back (on revient souvent à l’enfance et l’adolescence des personnages), ses digressions (un voyage avorté vers La Mecque) et ses changements de perspective (la narration est sans arrêt brisée, épousant le rythme de chaque parties du livre, divisées à chaque fois en douze courts chapitres) ; Nedjma est un roman à la fois stimulant et parfois obscur.

D’une certaine manière, c’est un puzzle dont Kateb Yacine assemble petit à petit chaque pièce. Certaines de ces pièces sont absolument magnifiques mais il reste, en fin de compte, beaucoup de trous dans ce puzzle. C’est sans doute la volonté de l’auteur mais pour le lecteur, c’est parfois un peu déroutant…

Voilà donc ma contribution à la littérature du Maghreb, du Proche et Moyen-Orient que je connais également extrêmement mal, mis à part les sublimes quatrains d’Omar Khayyâm (scandaleusement oubliés dans le livre la bibliothèque idéale) et un roman de David Shahar dont je vous ai parlé ici même. Me conseillez-vous Khalil Gibran, Mahfouz, Ben Jelloun et Andrée Chédid ?

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