Du lettrisme à l'érotisme
Notre métier d’amant (1954) d’Isidore Isou (Editions Eurédif. 1979)
Cela faisait très longtemps que je n’avais pas ouvert ma cave. J’ai lu pourtant de très belles choses (le catalogue de l’exposition consacrée à la photographie surréaliste intitulé La subversion des images, la théorie du Bloom de Tiqqun…) mais je n’ai pas eu le temps ni même l’envie.
J’ai lu également beaucoup de titres des mythiques éditions de La Brigandine qui feront l’objet d’un article spécial dans la revue Chéri Bibi : c’est pour cette raison que je n’en parle pas ici. Mais le jour où j’ai trouvé ces Brigandine aux Emmaüs, j’ai également dégotté Notre métier d’amant, roman polisson publié par le pape du lettrisme Isidore Isou.
Réédité dans la collection « Aphrodite classique » des toujours très « cheap » éditions Eurédif (encore des collections populaires qui mériteraient d’être explorées de manière plus approfondies), ce roman des années 50 n’a rien à voir avec la pornographie subversive des écrits brigandineux : il s’agit ici du journal intime d’un séducteur qui se laisse convaincre par une femme de gagner sa vie en jouant les gigolos. Les différentes rencontres de François permettront à Isou de dresser un panorama des différents « types » féminins (« Marjorie ou le comportement sexuel de l’Américaine à Paris », « Aurélie ou la technique des vierges », « Michèle ou les poses suggestives d’une nymphomane»…) et de livrer quelques sentences définitives sur l’amour, la religion, le désir ou le sexe.
Un exemple ? J’aime assez ce passage où la jeune fille que le héros a ramenée chez lui refuse de se déshabiller devant lui sous prétexte qu’elle n’a pas un beau corps et à qui il répond « ça ne fait rien, la nudité d’une femme dépasse la beauté ; elle est excitante. On n’est pas ici pour admirer des statues gréco-romaines. J’ai horreur des statues gréco-romaines. Je veux voir des anatomies érotiques. »
Mais les meilleurs moments du livre sont ceux où Isou délaisse volontairement son intrigue pour partir dans des digressions dont lui seul a le secret. On imagine avec effarement la tête des habitués des romans de gare devant soudain se farcir les théories fumeuses de l’écrivain sur la virginité, le mariage et le catholicisme. A ce titre, le chapitre 14 est mon préféré puisqu’il s’intitule tout simplement : « Isou ou les écrivains d’aujourd’hui et la littérature sensuelle ». On y voit le narrateur du roman rencontrer dans un café Isou lui-même (accompagné du fidèle Maurice Lemaître) et l’écouter présenter son œuvre et l’histoire de l’avant-garde tout en se livrant à une longue théorie sur l’enseignement des lettres dans l’Education Nationale ! Là encore, les amateurs d’alcôves torrides ont dû être un brin étonné de voir les ébats attendus remplacés par de la « théorie littéraire » (pour dire vite, un éloge de la modernité) et des revendications pour que Sartre et Camus soient remplacés par les surréalistes dans les programmes des facultés !
Si le récit est un brin répétitif et un peu fastidieux, on goûte avec curiosité toutes ces digressions de l’auteur du Traité de bave et d’éternité qui semble vouloir saboter lui-même son roman.
C’est assez curieux et parfois même assez drôle…
Cela faisait très longtemps que je n’avais pas ouvert ma cave. J’ai lu pourtant de très belles choses (le catalogue de l’exposition consacrée à la photographie surréaliste intitulé La subversion des images, la théorie du Bloom de Tiqqun…) mais je n’ai pas eu le temps ni même l’envie.
J’ai lu également beaucoup de titres des mythiques éditions de La Brigandine qui feront l’objet d’un article spécial dans la revue Chéri Bibi : c’est pour cette raison que je n’en parle pas ici. Mais le jour où j’ai trouvé ces Brigandine aux Emmaüs, j’ai également dégotté Notre métier d’amant, roman polisson publié par le pape du lettrisme Isidore Isou.
Réédité dans la collection « Aphrodite classique » des toujours très « cheap » éditions Eurédif (encore des collections populaires qui mériteraient d’être explorées de manière plus approfondies), ce roman des années 50 n’a rien à voir avec la pornographie subversive des écrits brigandineux : il s’agit ici du journal intime d’un séducteur qui se laisse convaincre par une femme de gagner sa vie en jouant les gigolos. Les différentes rencontres de François permettront à Isou de dresser un panorama des différents « types » féminins (« Marjorie ou le comportement sexuel de l’Américaine à Paris », « Aurélie ou la technique des vierges », « Michèle ou les poses suggestives d’une nymphomane»…) et de livrer quelques sentences définitives sur l’amour, la religion, le désir ou le sexe.
Un exemple ? J’aime assez ce passage où la jeune fille que le héros a ramenée chez lui refuse de se déshabiller devant lui sous prétexte qu’elle n’a pas un beau corps et à qui il répond « ça ne fait rien, la nudité d’une femme dépasse la beauté ; elle est excitante. On n’est pas ici pour admirer des statues gréco-romaines. J’ai horreur des statues gréco-romaines. Je veux voir des anatomies érotiques. »
Mais les meilleurs moments du livre sont ceux où Isou délaisse volontairement son intrigue pour partir dans des digressions dont lui seul a le secret. On imagine avec effarement la tête des habitués des romans de gare devant soudain se farcir les théories fumeuses de l’écrivain sur la virginité, le mariage et le catholicisme. A ce titre, le chapitre 14 est mon préféré puisqu’il s’intitule tout simplement : « Isou ou les écrivains d’aujourd’hui et la littérature sensuelle ». On y voit le narrateur du roman rencontrer dans un café Isou lui-même (accompagné du fidèle Maurice Lemaître) et l’écouter présenter son œuvre et l’histoire de l’avant-garde tout en se livrant à une longue théorie sur l’enseignement des lettres dans l’Education Nationale ! Là encore, les amateurs d’alcôves torrides ont dû être un brin étonné de voir les ébats attendus remplacés par de la « théorie littéraire » (pour dire vite, un éloge de la modernité) et des revendications pour que Sartre et Camus soient remplacés par les surréalistes dans les programmes des facultés !
Si le récit est un brin répétitif et un peu fastidieux, on goûte avec curiosité toutes ces digressions de l’auteur du Traité de bave et d’éternité qui semble vouloir saboter lui-même son roman.
C’est assez curieux et parfois même assez drôle…
Libellés : érotisme, Eurédif, Isou, La Brigandine, lettrisme
1 Comments:
Un article parlant d'un sujet trop délicat.Merci pour cet initiative.
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