La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

dimanche, janvier 27, 2008

PQ et autres friandises...

J’ai pris du retard dans mes notes de lecture et comme je ne vais pas tarder à attaquer la lettre S de mon abécédaire, je vais être relativement concis aujourd’hui.
Commençons par quelques friandises lues en dehors dudit abécédaire. Pour poursuivre ma collection L’imaginaire, j’ai débusqué aux puces un roman de Jules Supervielle intitulé L’homme de la pampa. C’est le premier livre que je découvre de cet auteur et j’ai pu constater qu’il laissait une grande place à un imaginaire pas si éloigné que ça du surréalisme. Mais j’avoue par ailleurs n’avoir pas été convaincu. Je n’en dirai pas plus.

Je n’attendais pas grand chose de cet Homme de la pampa et je n’ai donc pas été, d’une certaine manière, déçu. Ce fut différent avec O révolutions de Mark Z. Danielewski. J’avais énormément aimé la maison des feuilles que je considère comme l’un des plus grands romans contemporains et j’attendais donc beaucoup de ce nouvel ouvrage. On retrouve d’ailleurs ici ce goût de l’auteur pour l’expérimentation puisque son livre raconte simultanément l’histoire d’un couple vécu par le garçon (Sam) et par la fille (Hailey). Le roman se lit donc dans les deux sens et Danielewski ajoute au récit principal des notes en marge qui évoquent une frise chronologique. Si l’idée de confronter deux subjectivités pour raconter la même chose est plutôt intéressante, je dois avouer que je n’ai pas été sensible du tout à ce style « moderne » qui fait ressembler ce roman à un long poème en prose branché (les critiques parleront sans doute d’un « trip halluciné »). Entré dans cette histoire avec curiosité, je me suis vite lassé et O révolutions m’a plutôt déçu malgré quelques fulgurances stylistiques…

Toujours pour écluser mes cadeaux de Noël, j’ai relu avec un grand plaisir le Casse-pipe de Céline. Ce court récit où le narrateur raconte son arrivée au 17ème régiment de Cuirassiers est l’occasion de transformer un banal épisode de la vie militaire (une patrouille qui doit en relever une autre) en une épopée apocalyptique, aussi drôle que tragique. C’est également l’occasion pour Céline de dessiner d’inoubliables portraits (le brigadier Le Meheu, le maréchal des logis Rancotte…) et de faire revivre des tableaux d’une expressivité rare (la planque dans une écurie où le crottin des chevaux semblent tout envahir). Le style est, comme toujours, lumineux et ses cataractes incessantes plongent le spectateur dans une atmosphère oppressante. Pour le dire très bêtement : on a le sentiment d’y être. L’édition que je viens de terminer est celle, toute nouvelle, que le grand Tardi a illustrée. Son trait charbonneux s’accorde à merveille avec l’écriture de Céline et fait de ce livre une pépite à posséder coûte que coûte !

Venons-en à notre abécédaire et à la lettre P. Pour poursuivre dans la lignée de Nietzsche et d’Onfray, j’ai opté pour un recueil de deux textes de Georges Palante, édité par les (excellentes) éditions Mille et une nuits et intitulé La sensibilité individualiste. Je le disais dans ma note précédente mais il faut le redire : c’est l’excellent passeur Onfray qui a permis de redécouvrir (un petit peu) cet auteur singulier, professeur de philosophie et penseur anticonformiste. Alors que triomphe au début du 20ème siècle les idées collectivistes, Palante défend pour sa part l’individualisme. Dans La sensibilité individualiste, il prend soin de distinguer cette notion de l’égoïsme et du libéralisme qui se satisfait « du plus plat arrivisme ». Pour lui, l’individualisme est avant tout « un esprit de révolte antisociale » : il ne s’agit pas d’ériger de nouveaux modèles sociaux en remplaçant les anciens par des nouveaux (il réfute l’idéalisme) mais d’adopter une posture de retrait par rapport à la société. Contre tous les dogmes sociaux qui entravent l’individualité (le dogme « économiste » est sans doute le plus violent et c’est pour cela que Palante a tout à fait raison de souligner que les libéraux ne sont pas des individualistes) : « le trait dominant de la sensibilité individualiste est en effet celui ci : le sentiment de la « différence » humaine, de l’unicité des personnes. ». Il appuie sa théorie par de nombreuses références à Vigny et Stendhal mais également à Stirner.
L’auteur de L’unique et sa propriété amène Palante à s’interroger sur les liens entre individualisme et anarchisme. C’est précisément l’objet du deuxième texte (passionnant) proposé : Anarchisme et individualisme. Après avoir noté les points où les deux « doctrines » peuvent se rencontrer (révolte contre l’Etat, primauté de l’individu sur le groupe…), Palante note ce qui les sépare irrémédiablement. Pour lui, l’anarchisme reste encore un idéalisme qui cherche à remplacer la société existante par une société idéale, où les hommes deviendront bons parce que leurs conditions d’existence auront été changées. L’individualiste est plus pessimiste et croit que toute forme de société entrave par définition la souveraineté de l’individu. « Pessimiste sans mesure ni réserve, l’individualisme est absolument antisocial, à la différence de l’anarchisme, qui ne l’est que relativement (par rapport à la société actuelle) ». Il y a dans ce texte des réflexions saisissantes où Palante montre que l’anarchisme voit volontiers une antinomie entre l’individu et l’Etat tout en s’échinant à penser que l’antinomie entre l’individu et la société peut être résolue (il cite des exemples chez Stirner). Alors qu’il a parfaitement raison de souligner que « La société ainsi entendue constitue un tissu serré de tyrannies petites et grandes, exigeantes, inévitables, incessantes, harcelantes et impitoyables, qui pénètrent dans les détails de la vie individuelle bien plus profondément et plus continûment que ne peut le faire la contrainte étatique. »
On pourra reprocher à Palante de n’opposer à la société que son pessimisme et de ne pas envisager de solutions de rechange. Mais lorsqu’il exprime, sur la fin, des idées pour préserver au maximum la liberté de l’individu, il ouvre quelques voies qu’il ne serait pas idiot de méditer à l’heure des troupeaux dociles et des « mutins de Panurge »…

Q comme Queneau. Est-il encore besoin de vous présenter les Exercices de style ? Cette histoire de deux passagers dans un bus racontée de 99 manières différentes, en prose, en vers et en pièce de théâtre ? Toujours est-il qu’on y trouve là la quintessence des jeux formels de l’OULIPO et un sens de l’humour qui me paraît toujours ravageur. Ce livre ne se commente pas : il se savoure !

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3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Casse-pipe de Céline : à mon humble avis l'un des livres les plus drôles consacrés à la Première Guerre.

6:30 PM  
Blogger Dr Orlof said...

Drôle par ce sens unique du grotesque qu'a Céline...Mais aussi tragique, d'une certaine manière (les images apocalyptiques de ces soldats embourbés dans le crottin renvoyant à des images plus graves de la grande boucherie...)

7:31 PM  
Anonymous voyance mail gratuit said...

Je trouve c’est article hyper intéressants , des notions de base qui peuvent aider ..
Merci à la personne.

4:04 PM  

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