Lectures de janvier
J'ignore si j'aurai le temps
d'alimenter cette rubrique mais je relance mon blog en vous
proposant, au moins, un petit panorama mensuel de mes lectures :
1- Gueule de bois d'Olivier
Maulin (2014. Denoël).
A la faveur d'un prix
littéraire réservé aux lycéens, j'ai pu il y a quelques années
découvrir le premier roman d'Olivier Maulin, En attendant le roi
du monde. Je me souviens que ce livre avait provoqué des
polémiques au sein de la communauté enseignante et que certains
voulaient le retirer de la vue des élèves en raison de certains
passages très crus. Avec le recul, je pense pourtant que c'est le
meilleur livre jamais sélectionné dans le cadre de ce prix qui a
pourtant distingué quelques grands noms de la littérature
contemporaine (Modiano, Péju, Holder, Khadra, Monnier, Martin Page,
Guenassia, De Kerangal...). Je le regrette mais je n'ai pas lu les
romans suivants de Maulin et c'est un peu par hasard que je suis
retombé sur lui avec ce réjouissant Gueule de bois.
Le livre est divisé en
deux parties : dans la première, nous suivons les
pérégrinations d'un journaliste, Pierre, qui de cocktails mondains
en bistrots populaires, rencontre des individus décalés et aussi
alcoolisés que lui. Il y a du Céline dans cette manière qu'à
Maulin d'égratigner les travers de ses contemporains à travers le
prisme de ces personnages farfelus et leurs aventures extravagantes.
Gueule de bois est une farce hénaurme où l'humour
rabelaisien se mêle à une satire très « politiquement
incorrecte » des mœurs actuelles. Parti au vert pour enquêter
sur les loups dans la deuxième partie, Pierre rencontre à nouveau
des personnages excentriques et Maulin ne se montre pas plus tendre
pour le monde comme il ne va pas, que ce soit l'idéologie écologiste
(celle des parisiens et des bureaucrates) ou les pratiques
journalistiques et leur novlangue.
Alors, « réac »
Maulin ? Sans doute, mais hilarant et doté d'un style incisif.
Pour preuve, un couplet contre la pub d'une grande justesse :
« Il lui expliquait
qu'on avait réussi grâce à la pub à faire désirer aux
pue-la-merde ce qu'on avait programmé pour eux dans notre seul
intérêt. Pas de matraque, pas de camp, pas de violence. Et on leur
laisse croire qu'ils sont libres par-dessus le marché ! C'est
génie ou c'est pas génie ? Venez consommer librement les
petits pioupious, c'est vous qui décidez de tout... La baronne
commençait à piger : elle s'est mise à mouiller !
Transformer leurs désirs en besoins ! Les rendre compulsifs,
dépendants du bonheur dans l'achat ! Un coup de déprime ?
Lèche une vitrine, connasse ! Génie, oui, je l'affirme !
Grâce à la pub, ils avaient renoncé à produire eux-mêmes ce dont
ils avaient besoin et ils étaient heureux ! Contents de bouffer
de la merde de cheval surgelée ! Ravi de s'empoisonner de
raviolis aux os broyés, nerfs et tendons ! Guillerets de
préparer des purées en flocons ! Éplucher une patate ?
Plus le temps ! Trop de boulot ! Mais je m'éclate,
rassurez-vous ! J'abandonne mes enfants tous les jours à des
nourrices inconnues, je pue des bras à cause du stress, je donne du
poison à mon bébé mais je suis plus épanouie qu'au treizième
siècle, hihihi ! Et puis je pars en week-end à l'étranger et
je finirai en maison de retraite tout confort. La pub, meilleur
dressage de l'histoire de l'humanité ! Tout en douceur et en
cajolerie, lait maternel et régression ; pornographie pour
impuissants, les exciter un peu, qu'ils s'imaginent être vivants...
Le choix pour les rebelles : choisir une autre marque. »
Certains passages
pourront faire grincer les dents mais je me suis régalé...
2- Le roi créole :
récit des années 60 d'Alain Paucard (L'âge d'homme. 1999)
Une jolie petite fable où
Alain Paucard mêle deux récits parallèles. D'un côté, un roman
d'apprentissage mettant en scène un jeune parisien en vacances chez
ses grands-parents dans un village de l'Yonne. Passionné de rock et
de cinéma (on devinera immédiatement la dimension autobiographique
du livre), il décide avec quelques copains de monter un spectacle de
rock au cours d'une fête paroissiale. De l'autre, Paucard fait
parler son idole Elvis Presley dans une sorte de monologue intérieur
qui revient sur la destinée tragique de l'idole.
Entre l'évocation
nostalgique d'une époque révolue et une réflexion sur les mystères
de la destinée et de la renommée, l'auteur parvient à nous faire
sourire et nous toucher avec ce très court roman d'une cinquantaine
de pages.
3- Terrence Malick et
l’Amérique d'Alexandre Mathis (Playlist Society. 2015)
Pure player culturel,
Playlist society se lance dans l'édition avec des livres aux
maquettes élégantes et épurées. C'est Alexandre Mathis qui ouvre
le bal avec un essai sur Terrence Malick (suivront un livre sur le
cinéma argentin et un essai sur Michael Mann). Avec minutie, Mathis
revient sur les thèmes chers au cinéaste : le territoire
américain, l'innocence perdue, la violence, le sacré... Le propos
est sérieux et circonstancié, balayant l’œuvre rare et désormais
controversée du cinéaste. Deux petites réserves, davantage
imputables à moi qu'à l'ouvrage à proprement parler. D'abord, mon
propre rapport à Malick qui est un cinéaste qui m'intéresse mais
ne me passionne pas. A part son premier film (Badlands),
j'avoue n'avoir jamais été transporté par ses autres films que je
ne connais d'ailleurs pas tous (je n'en ai vu que la moitié).
Ensuite, Alexandre Mathis opte pour une approche très
« universitaire » (ce qui n'est pas un reproche!) et si
son essai me paraît une excellente synthèse, j'ai parfois du mal à
percevoir la subjectivité de l'auteur qui pourrait apporter un
regard neuf sur l’œuvre.
Mais encore une fois, tel
n'est pas son but et il n'y a donc pas lieu de lui reprocher.
4- Jess Franco ou les
prospérités du bis d'Alain Petit (Artus Films. 2015)
Mon compte-rendu sur cet
indispensable essai se trouve ici.
5- Les ficelles du
pantin de Yak Rivais (Attila. 2012)
Yak Rivais est surtout
connu pour son abondante production destinée à la jeunesse.
Pourtant, outre son chef-d’œuvre Aventures du général
Francoquin, ses autres livres
« pour adultes » méritent le détour à l'instar de
cette farce grinçante débutée...en 1972 et achevée en 2012.
A
la manière de Brecht, Rivais met en scène un président qui, à la
veille de l'élection, refuse de céder sa place et met tout en œuvre
pour conserver le pouvoir. Inspiré à la fois par Tacite (l'élection
oppose Vitellius à Vespasien) et Jarry (pour le côté
« hénaurme »), Rivais décrit avec une rare acuité les
mécanismes du Pouvoir et la corruption d'un système politique à
bout de souffle (toutes ressemblances avec une situation
existante...).
Les Ficelles du pantin
n'épargne personne : les politiques, bien entendu, mais
également les médias ou le peuple avachi toujours prompt à se
rallier à la force (une scène d'émeute et de liesse populaire est
très impressionnante).
Le
livre est une petite merveille d'ironie et de lucidité, à l'image
de ce passage sur les connivences entre le Pouvoir et la presse :
« -Par
exemple, toi tu es une idiote, tu lis la presse gratuite. Bon.
Dedans, c'est de la propagande pour moi tous les jours. Donc le
propriétaire est un ami. Ou bien la télévision ! Tu la
regardes. Elle me fait de la propagande. Les patrons sont mes amis :
tous les patrons de quelque chose, et tous les responsables de
n'importe quoi qui me rend service où ils sont casés. C'est
donnant-donnant. Les très riches, par exemple, je baisse leurs
impôts, et pour me remercier, ils me reversent une partie de leurs
économies à titre privé pour que je puisse mener mes campagnes. Tu
piges ? »
Libellés : Cinéma, Malick, Mathis, Maulin, Paucard, Rivais, satire
4 Comments:
Oh, Yak Rivais, j'étais folle de ses "enfantastiques", collection de nouvelles sur des enfants ayant de farfelus pouvoirs - pas toujours très favorables pour eux ou leur entourage. Je me souviens de petits récits d'humour noir où l'un deux, en se rongeant les ongles, finissait par s'engloutir tout entier...
Je ne savais pas qu'il écrivait aussi pour adultes, je retiens la référence !
Oui Oriane : Yak Rivais a beaucoup de cordes à son arc puisqu'il est également dessinateur et peintre. Il a donc bien commencé par la littérature "pour adultes" et c'est même Queneau qui a édité en 67 les "Aventures du général Francoquin" chez Gallimard. Mais ce qui caractérise l'auteur, que ce soit dans ses livres jeunesses ("Les sorcières sont N.R.V") ou ses autres œuvres, c'est un goût pour le jeu littéraire et les livres "à contrainte". Par exemple, ses "Demoiselles d'A" a la particularité d'être entièrement composé à partir de citations d'autres livres ! Il reçut le grand prix de l'Humour noir pour ce titre et, pour la petite histoire, s'est même payé le luxe de refuser une préface de Pérec ! Il faut donc redécouvrir Yak Rivais
Je te félicite c’est bien d’avoir fait ce blog
merci beaucoup
Félicitation pour ton site que je visite quasiment chaque jour, il est très bien fait et agréable.
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