La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

dimanche, février 12, 2006

Chanson méchante et de bon aloi






Les Malpolis. La fin du retour de la chanson
Ca a commencé par la première partie du concert d’un groupe local. Deux hurluberlus firent marrer la salle pendant plus d’une heure avec des petites chansons méchamment sarcastiques, un humour noir totalement irrespectueux et une manière d’introduire leur répertoire par de petits sketches aussi désopilants que leurs chansons.
C’est ainsi que je découvris les Malpolis, duo puis trio toulousain qui vient de sortir son quatrième album « officiel ». En effet, leurs deux premiers CD (Et là…vlan ! et un mini-album live où l’on retrouve la verve qu’ils affichent en public, je vous recommande la chanson sur les journalistes et les sondages !) sont aujourd’hui introuvables et ont été réédités il y a peu dans une compilation intitulée Zéro.
Vinrent ensuite les Malpolis élargissent leur cible, où nos zozos se moquent aussi bien des hard-rockers (Gourmette) que de leurs potes régionalistes vantant la supériorité de leur ville (et pan sur les Fabulous Troubadours), tapent aussi bien sur la gauche et ses engagements mous (la petite barrette, chanson sur la dépénalisation) que sur la droite De Villierieste (Une famille d’amour) ; puis Piédenés , délicieux catalogue de haine contre la pub et les « bidules nuls et machins moches », contre le New-Age, les psys, David Douillet, les sports extrêmes, les chasseurs…Il y a du Desproges chez les Malpolis, dans cette manière de rire de tout et de ne pas hésiter à aller très loin dans la noirceur (je peux vous assurer que l’humour glacial et macabre de la chanson A la Toussaint a fait grincer des dents lorsqu’ils l’ont chanté en concert il y a quelques mois).

La fin du retour de la chanson se présente d’abord comme un bel objet. Un livret qui parodie malicieusement un numéro des Inrockuptibles , des morceaux présentés comme des articles du périodique (avec de splendides pastiches de CD que je vous laisse découvrir) et une couverture qui reproduit à l’identique la fameuse photo de la rencontre Brel / Ferré/ Brassens.
Quand à l’album, il ne dépareille pas par rapport aux précédents. On retrouve ce regard au vitriol sur l’absurdité du monde qui nous entoure, un sens de la formule qui me réjouit et une manière de ne rien respecter qui me semble être la condition sine qua non du rire.
Musicalement, ce n’est certes pas du Chopin. Dans un premier temps, l’album surprend même par le côté un peu anonyme des arrangements, par l’utilisation beaucoup plus marquée de nappes de guitares électriques nous faisant presque regretter le côté bricolé et acoustique de leurs albums précédents. Puis l’oreille s’habitue à ces rengaines destinées avant tout à mettre en valeur les textes percutants des Malpolis.
Et là, c’est un régal. Plutôt que de vous pondre une longue analyse soporifique de chacun d’entre eux, je vous propose un petit florilège.

Sur les collégiennes d’aujourd’hui (les Charlottes) :

« Charlotte elle a le tout dernier cri des portables, une pure merveille. Chaque fois qu’elle appelle une amie, elle se photographie l’oreille. Elle a un piercing sur le nez, met des strings depuis le CM2, être rebelle ça lui plairait, mais sa mère lui laisse faire ce qu’elle veut. »

Sur « Les gens formidables »

« Les gens formidables trient leurs ordures depuis longtemps, c’est même comme ça qu’ils distinguent le MEDEF du gouvernement. Ils ont des poubelles pour le verre, le plastique, le carton, et font le boulot des industriels, pour pas un rond… »

Sur la « dictature du salariat » (une chanson intitulée On veut pas du travail ne peut pas être totalement mauvaise !)

« De bilans de compétence en stages de formation, tu te reconnais plus, t’as le vocabulaire d’un patron. Y’en a vingt comme toi, derrière, pour prendre ce job qui a l’air chiant comme l’enfer et payé peau de zob. C’est parti, tu vas produire de la merde en tube et la refourguer à des pauvres gens, avec un peu de pub, ou dans un atelier, devenir plus con qu’une machine, jusqu’au jour où en arrivant, y’a même plus d’usine ! Y paraît qu’on veut redonner goût au travail en France, alors faut trouver un goût sucré comme les vacances. De toutes façons, nous, on a déjà trop de trucs à faire, chouettes, utiles et rigolos, qui valent mieux qu’un salaire. »

Sur les types satisfaits de leur époque.

« Heureusement grâce à Internet, il a accès en temps réel à tout le savoir de la planète, il se trouve moins con, mais c’est virtuel. »

Sur « les droits de l’homme sandwich »

« Article 4. Nul ne peut-être soumis à la torture, ni a des traitements cruels ou dégradants, sauf s’il est déterminé à entrer sur le marché du travail. »
« Article 6. Toute société dans laquelle la garantie des droits fondamentaux n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, est appelée société par action et peut être côtée en bourse. »

Sur les beaufs qui roulent en 4x4

« A bord, il a le GPS, des fois qu’il se perdrait dans le quartier, depuis 20 ans qu’il le traverse, sur qu’il peut se vanter d’avoir l’air conditionné…Il gueule au milieu des bouchons sur tout ces cons dans leurs autos, comme un bélier qui a l’illusion de pas faire partie du troupeau. »

Sur les rues piétonnes.

« Et tout ce qui frime ou se pomponne, tous les bouffons et les bouffonnes, paradent dans les rues piétonnes, l’oreille vissée au téléphone, sans peur de perdre leur dernier neurone, qui sert à répondre quand ça sonne. Les prospectus, qu’on distribue, finissent par terre, moi dans un rêve de psychopathe, j’imagine les publicitaires qui les ramassent à quatre pattes. Y’a la FM dans chaque boutique, volume poussé à fond la caisse. Si tu aimes vraiment la musique, tu peux pas bosser dans le commerce. »

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