La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

lundi, janvier 30, 2006

Fénéon au "Procès des Trente"

En 1894, Fénéon est donc incarcéré et comparaît au Procès des Trente. Accusé de propagande anarchiste, d’avoir tissé des liens d’amitié avec Emile Henry et suspecté d’être l’auteur de l’attentat Foyot ; une dénonciation a, en outre, permis de découvrir dans le bureau qu’il occupe au Ministère de la Guerre (!) du mercure et des détonateurs.
Silencieux pendant toute l’instruction, voici les quelques mots que prononça Fénéon aux débats.

« Le Président Dayras. -Votre concierge affirme que vous receviez des gens de mauvaise mine.
Félix Fénéon. –Je ne reçois guère que des écrivains et des peintres.
Pr. – L’anarchiste Matha, lorsqu’il est venu à Paris, est descendu chez vous.
F. –Peut-être manquait-il d’argent.
Pr. –A l’instruction, vous avez refusé de donner des renseignements sur Matha et sur Ortiz.
F. –Je ne me souciais pas de rien dire qui pût les compromettre. J’agirais de même à votre égard, monsieur le Président, si le cas se présentait.

Fénéon parle sans gestes, d’une voix brève et courtoise. A chaque réponse, on voit se dresser son pinceau de barbe.

Pr. –On a trouvé dans votre bureau des détonateurs, d’où venaient-ils ?
F. –Mon père les avait ramassés dans la rue.
Pr. –Comment expliquez-vous qu’on trouve des détonateurs dans la rue ?
F. –Le juge d’instruction m’a demandé pourquoi je ne les avais pas jetés par la fenêtre au lieu de les emporter au ministère. Vous voyez qu’on peut trouver des détonateurs dans la rue.
Pr. –Votre père n’aurait pas gardé ces objets. Il était employé à la Banque de France et l’on ne voit pas ce qu’il pouvait en faire.
F. –Je ne pense pas en effet qu’il dût s’en servir, pas plus que son fils, qui était employé au ministère de la guerre.

Pas la moindre trace d’insolence, mais plutôt de la timidité dans le ton de Fénéon. Il semble qu’il hésite à chaque fois, comme s’il cherchait d’abord la réponse la plus modeste et la plus juste.

Pr. –Voici un flacon que l’on a trouvé dans votre bureau. Le reconnaissez-vous ?
F. –C’est un flacon semblable, en effet .
Pr. –Emile Henry, dans sa prison, a reconnu ce flacon pour lui avoir appartenu.
F. –Si l’on avait présenté à Emile Henry un tonneau de mercure, il l’aurait aussitôt reconnu. Il n’était pas exempt d’une certaine forfanterie.

Au cours de son procès, Emile Henry s’était chargé de plus d’un crime que la police lui contestait.

Pr. –Vous avez dit que vous croyiez que les détonateurs n’étaient pas des engins explosifs. Or , M.Girard a fait des expériences qui établissent qu’ils sont dangereux.
F. –Cela prouve que je me trompais.
Pr. –Vous savez que le mercure sert à confectionner un dangereux explosif, la fulminate de mercure ?
F. –Il sert aussi à confectionner des baromètres. »
Jean Paulhan F.F ou le critique. Préface aux Œuvres de Félix Fénéon.

Quelques instants plus tard, l’avocat Bulot demande une suspension d’audience afin de pouvoir se laver les mains suite à la réception d’une lettre (probablement envoyée par les amis de l’accusé) recelant un splendide « pâton fécal » (N.Godin) . Fénéon se tournera alors vers son avocat et lui dit :
« Depuis Ponce-Pilate, pas un magistrat ne s’était lavé les mains avec plus d’ostentation ».

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4 Comments:

Anonymous voyance par mail gratuite said...

Bonjour,
J’ai flânée pendant un moment sur votre site, et je vous dit bravo pour tout ce que vous proposez. Très intéressant

Amicalement

11:04 AM  
Blogger rosy123 said...


Merci pour tout ce travail que cela représente et pour tout le plaisir que j’y trouve
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10:35 AM  
Blogger rosy123 said...

Vraiment sympa ce site web
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1:09 PM  
Blogger Audrey Maurice said...

Franchement vous êtes formidable d'avoir fait un site pareil
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1:58 PM  

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