Lectures d'octobre
Peu de lectures en ce mois d’octobre
car j’ai surtout dévoré des fanzines (il faudrait que j’en parle un jour) :
Toutes les couleurs du bis, Darkness magazine et Médusa. J’ai
quand même eu le temps de lire quatre romans
***
54- Allers sans retour (2009) d’Alexandre Mathis. (E/dite, 2009)
Maryan Lamour dans le béton était un très grand livre mais il était
tellement dense, tellement épais qu’il en devenait parfois un peu indigeste.
Avec Allers sans retour, Alexandre
Mathis amorce le virage qui l’amènera à écrire ce petit chef-d’œuvre qu’est Les Fantômes de M.Bill. Pour le dire
très schématiquement, l’auteur parvient avec ce « roman montage en deux
volets » à mêler le fait divers et le mythe et à raconter une époque, son
atmosphère à partir de l’infiniment petit. Dans une première partie, il s’intéresse
au cas de Roger Verdière, un jeune homme de 18 ans qui, en 1938, assassine une
sexagénaire pour pouvoir se rendre à Paris et aller au cinéma. Arrêté à la
veille de la seconde guerre mondiale, il est condamné à mort puis gracié.
Dans la seconde partie,
construite comme une enquête sur un fait divers datant de 1936, Mathis évoque
la destinée d’Andrée Denis, une parisienne de 17 ans sans histoire que l’on
retrouve noyée dans la Marne, à Meaux où elle n’avait aucune raison de se
trouver. L’enquête conclut à un suicide mais les éléments que présente l’auteur
sont beaucoup plus troublants…
L’intérêt du livre ne réside
évidemment pas dans ces courts résumés. Le style lumineux et glacial de Mathis
procède par collage, par associations, par rimes. Au récit à proprement parler,
il mêle des coupures de presse, des informations « documentaires »
(sur les salles de cinéma fréquentées par Roger Verdière : le prix des
places, les films projetés… mais aussi sur le prix des cigarettes) et des
éléments qui paraissent complètement extérieurs au récit, que ce soit des
critiques littéraires sur le dernier ouvrage paru de Céline ou des
considérations sur la météo (l’hiver 1938-1939 fut particulièrement rigoureux).
Ce qu’il pourrait y avoir d’anecdotique
dans ces associations prend une ampleur ahurissante par la grâce de ce montage
virtuose qui parvient à saisir quelque chose de l’inconscient d’une époque.
Plus personne ne se souvient, à part Alexandre Mathis, des débats qui
entourèrent la sortie de la chanson Sombre
dimanche, la « chanson qui tue » en provoquant des épidémies de
suicide. Toujours est-il qu’en exhumant des coupures de presse sur le sujet, il
parvient à donner une profondeur et des résonances au parcours malheureux de
la petite Andrée Denis.
De la même manière, la
fascination de Roger Verdière pour le cinéma permet à l’auteur d’ausculter l’un
des mythes de l’époque et la manière dont ces images ont pu également façonner
un imaginaire. Cet imaginaire, c’est aussi bien Marlène Dietrich que Céline, le
goût de l’évasion pour un public se rendant encore en masse dans les salles
obscures et les menaces que l’on perçoit déjà face à un monde qui va sombrer
dans les années à venir (l’antisémitisme qui suppure de certains articles).
Et puis il y a cette façon unique
qu’à Mathis d’aborder la question du crime. Déjà, il évoque la figure de
M.Bill, auteur d’un crime parfait mais qui se fera prendre en fanfaronnant. Chez
Roger Verdière, c’est une sorte de sentiment de culpabilité qui préexistait au
passage à l’acte, comme si cet aboutissement permettait enfin à ce jeune homme
d’avoir une bonne raison de se sentir coupable. Ces eaux troubles de l’inconscient,
on les retrouve dans une époque tourmentée par une sorte de culpabilité et
vouée à se jeter la tête baissée dans les pires errements.
La grandeur de ces Allers sans retour, c’est aussi cette
manière dont l’hyperréalisme pointilleux de l’auteur (qui va jusqu’à lister les
boutiques des quartiers que fréquentait Verdière en notant les numéros de
téléphone !) débouche sur une sorte de surréalisme, une fascination pour
les « hasards objectifs » et pour des figures comme celle d’Andrée
Denis qui évoque aussi bien l’Ophélie de Shakespeare que la Mary Rogers d’Edgar
Poe.
C’est tout simplement magnifique.
***
55- Ce Mexicain qui
venait du Japon et me parlait de l’Auvergne (2016) de Jean-Claude Lalumière
(Arthaud, 2016)
Cinquième roman de Jean-Claude
Lalumière qui, depuis l’hilarant Le Front
russe, est devenu l’un de mes auteurs fétiches d’aujourd’hui. Je retrouve
toujours chez lui, avec le même bonheur, ce mélange de dérision qui ne rechigne
pas devant le burlesque (je rêve qu’Antonin Peretjatko adapte au cinéma l’un de
ses livres !) et de satire acide de notre modernité.
Une fois de plus, son héros
Benjamin Lechevalier est un être solitaire et rêveur qui quitte son île d’Oléron
natale avec plein de projets et de désirs dans la tête. Lorsqu’il est engagé
comme « chargé de l’accroissement du rayonnement extérieur de la Cité de l’air
du temps » (quel intitulé !), il pense qu’il va pouvoir voyager et
découvrir le monde. Hélas, il va vite déchanter.
Ce Mexicain qui venait du Japon et me parlait de l’Auvergne est d’abord
une satire d’une modernité qui se gonfle de formules creuses et de diaporamas
construits avec des phrases débutant par des verbes à l’infinitif aussi vains que
« dynamiser » ou « optimiser ». Le passage où notre brave
Benjamin tente désespérément de découvrir ce que peut signifier l’acronyme B.I.T.E
m’a fait pleurer de rire ! Peu à peu, notre héros parvient néanmoins à
bouger : quelques sous-préfectures peu exotiques avant de plus lointains
voyages qui prennent systématiquement la forme de colloques dans des lieux aseptisés
et se ressemblant tous. Lalumière, avec beaucoup d’ironie, montre la manière
dont notre monde s’est rétréci («La
vision du monde n’a jamais été aussi réduite que depuis qu’elle a pris la
hauteur d’une perche à selfie. ») mais également cette façon que nous
avons de ne plus en découvrir que les aspects qui nous sont familiers avec les
mêmes complexes commerciaux et hôteliers, les mêmes décors urbains :
« D’un pays à l’autre, les périphéries ne varient guère. Dans la laideur,
les urbanistes se sont inventé un langage commun, international, un espéranto
de l’aménagement que personne, hormis eux, ne pratique ni ne comprend. »
Aucune aigreur dans ce roman mais
une vision amusée d’un monde où le tourisme mondialisé a succédé au voyage et à
l’esprit de découverte. Ces aventures de VRP culturels un peu pathétiques sont à
la fois très drôles mais Lalumière a aussi le sens du trait saillant, de la
description incisive qui rend immédiatement vivant un personnage et haute en
couleur les situations.
Le résultat est un régal qui
mérite d’être découvert sans hésiter, ne serait-ce que pour cette petite pique
contre Valérie Damidot :
« A croire qu’une décoratrice télévisuelle qui fait passer ses erreurs de
jugement pour du bon goût, ruinant les intérieurs de millions de ménages
crédules au profit des magasins de bricolage, a œuvré ici. »
***
56- Sidérelle (1971) de Jean-Louis Vilier (Editions le
Japyx, 1971)
Pornographie antédiluvienne vaguement teintée de
science-fiction. J’en parlerai en d’autres lieux.
***
57- Ciné X (1978)
de Pat Delbe (Edition et Publication Premières. Collection Eroscope, 1978)
Un fascinant témoignage dont il sera question en d’autres
temps et autres lieux également…
Libellés : Alexandre Mathis, Delbe Pat, Fait divers, Humour, Lalumière, Vilier Jean-Louis
9 Comments:
C'est un grand plaisir de surfer pour vous lire régulièrement.
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Bravo pour ce superbe travail !!!
J’adore vraiment ce que vous faites, bravo !!! Merci bien de partager avec nous cet article .
Je vous félicite pour ces merveilleux partages. Continuez ainsi !
Amicalement
Je vous félicite pour ces merveilleux partages. Continuez ainsi !
Amicalement
Je suis vraiment fière de vous découvrir, votre blog est vraiment super !
Je suis devenue accro tout est magnifique. Merci
je passe en coup de vent pour te souhaité une bonne fin de journée gros bisous
Vraiment sympa ce site web
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