La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

samedi, octobre 01, 2016

Lectures de septembre



49- La Vie secrète d’Eugénie Grandet (1981) de Julienne de Cherisy (Editions de la Brigandine, 1981)

Deuxième et dernier roman des collections Bébé Noir/ La Brigandine attribué à Raoul Vaneigem. Nous tenterons de faire le point sur la question dans un article qui sera publié ailleurs et plus tard. 

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50- Les Lèvres nues (1954-1958) (Editions Plasma, 1978) 


Fondée par Marcel Mariën en 1954, Les Lèvres nues fut une revue littéraire qui regroupa toute la fine fleur du surréalisme belge. Il n’est pas question dans le cadre de ces modestes et courts comptes rendus de mes lectures d’entrer dans le détail des théories développées par cette excellente publication. D’un point de vue artistique et littéraire, Les Lèvres nues s’inscrivent dans la tradition des avant-gardes remettant en cause la fonction du langage et ses pièges. Une personnalité comme Paul Nougé a également pu développer au sein de la revue ses théories sur les « objets bouleversants », consistant (je schématise à l’extrême) à subvertir notre champ de la perception à partir d'objets banals. A l’instar des tableaux de Magritte, les surréalistes belges sont beaucoup moins « branchés » sur l’inconscient que leurs homologues français et cherchent avant tout à montrer la trahison des images, des mots et des objets en les plaçant dans des contextes singuliers.
Ce qui vaut pour la peinture, la photo ou les « publicités transfigurées » de Nougé vaut aussi pour les mots et l’on savoure dans la revue les aphorismes géniaux de Louis Scutenaire (« Vous dormez pour un patron », « L’homme tient pour intelligence l’usure de ses facultés d’indignation », « Il est malaisé de rester fidèle à des amis qui ne demeurent pas fidèles à eux-mêmes »), les essais malicieux de Mariën (Le Marquis de Sade raconté aux enfants) et de Nougé.
Politiquement, on sent une évolution de la revue. Dans le premier volume, l’orientation est celle d’un communisme orthodoxe avec des citations de Lénine et un vibrant appel au vote pour le PC belge. Puis l’équipe prend ses distances avec cette ligne orthodoxe et cette dissidence culmine avec l’hallucinante (et assez géniale) Théorie de la révolution mondiale immédiate de Marcel Mariën où l’auteur élabore avec un mélange de sérieux et de dérision une stratégie (basée sur l’observation minutieuse des méthodes capitalistes) visant à provoquer la révolution mondiale.
Passionnante est aussi la participation régulière à la revue, à partir du sixième numéro, des membres de l’internationale lettriste, à savoir Guy Debord (qui y publie le scénario d’Hurlements en faveur de Sade et sa Théorie de la dérive), de Wolman (on peut lire le Mode d’emploi du détournement, co-écrit par Debord) ou Michèle Bernstein.
Cette fructueuse collaboration dit bien la teneur d’une revue qui, peu à peu, oriente ses recherches du côté de la révolution de la vie quotidienne et du « détournement » des divers moyens d’expressions. On trouvera d’ailleurs de longues pages consacrées au scandale provoqué par le film de Mariën L’Imitation du cinéma.
Inutile de dire que cette somme est indispensable pour quiconque s’intéresse aux avant-gardes politiques et artistiques puisque Les Lèvres nues apparaît comme le chaînon manquant entre le surréalisme orthodoxe et l’Internationale situationniste (avec lesquels elle partage le goût du scandale et du canular) 

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 51- La France de Jean Gabin (2016) d’Alain Paucard (Xénia, 2016)


J’ai parlé de ce très court essai ici

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52- L’Horreur d’été (1979) d’Humphrey Paucard (Éditions de la détente, Collection Enquêtes, 1979)


De ce sanglant roman de gare de Paucard, je parlerai sans doute dans une autre publication. 

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53- Impossible ! (1985) de Yak Rivais (L’Ecole des loisirs, 1986) 


J’ai lu, à une époque, pas mal de « littérature jeunesse » dans le cadre de mon travail et pour être au courant. Sans dénier la qualité de certains livres, je dois reconnaître que je suis de plus en plus sceptique quant à cette appellation. D’une part, parce que le succès d’Harry Potter a entraîné dans son sillage une foultitude de sagas fantastiques ou d’héroic fantasy sans grand intérêt. D’autre part, parce que cette « littérature jeunesse » me semble souffrir d’un énorme défaut : son caractère édifiant. Dans la plupart des cas, il faut que les récits soient portés par un grand « thème » (l’exclusion en premier lieu, les souvenirs de la guerre, la différence, etc.) et les auteurs peinent souvent à se sortir d’une vision sociologique assez mélodramatique et bien-pensante (en gros : la guerre, le racisme, la violence : c’est mal). Sous prétexte qu’ils s’adressent à un « public cible » (ce qui, en soi, est déjà une aberration), ces romans sont souvent dénués de style et font rarement appel à l’imagination (en ce sens, on peut quand même louer Harry Potter d’avoir su créer un véritable univers cohérent et merveilleux).
Rien de cela dans les petits contes de Yak Rivais dont l’univers s’apparente davantage à celui d’un Lewis Carroll, Marcel Aymé ou des contes de fées d’autrefois. Même si ses courts récits s’inscrivent toujours dans un contexte réaliste (l’école, la plupart du temps), ils bifurquent rapidement vers le fantastique et le merveilleux. Mais ce basculement s’opère avant tout par la grâce du langage et le jeu sur les mots. Plutôt que de chercher à jouer sur la psychologie, l’auteur s’appuie sur son expérience d’instituteur pour inventer des personnages qui seraient comme des images transfigurées de ses élèves. Ainsi, la petite fille timide deviendra dans ces contes une enfant avec le pouvoir d’invisibilité tandis que le colérique sera capable de provoquer une immense catastrophe dans la ville en se fâchant et en décuplant ses forces. Il y a aussi un côté OULIPO chez Yak Rivais, notamment dans le très amusant L’enfant qui se trompait de mots puisque le petit héros confond les mots et parle, par exemple, « d’ivrognes dans le porte-monnaie » au lieu de « sous » (« saouls »). Du coup, le conte lorgne du côté de l’absurde le plus réjouissant et s’offre même le luxe de petites notations irrévérencieuses :
« « Bigre ! » dit l’oncle. Ce gamin a l’art de rendre incompréhensible les propositions les plus claires ! Il faudra en faire un politicien ! » ».
Les contes composant Impossible ! parviennent à parler de l’enfance sans avoir recours aux lamentations sociologiques ou psychologiques mais en jouant la carte de l’humour, de la fantaisie et du merveilleux. Et c’est délicieux…

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