La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

mardi, décembre 30, 2008

Romans de gare

Débarrassé des obligations de la bibliothèque idéale, j’ai profité des périodes de fêtes pour écluser les rayons de ma bibliothèque et achever tous les « romans de gare » que je me voyais mal, paradoxalement, lire dans le train.

Larmes de sang d’Ange Bastiani (Eurédif. 1972) est un petit polar déjà paru en 1961 sous le titre Amour, sang et zibeline. Les familiers de l’indispensable blog Au carrefour étrange n’ignorent désormais plus que sous le pseudo de Bastiani se dissimule l’écrivain Maurice Raphaël, auteur sulfureux ayant à son actif quelques titres bénéficiant d’une bonne réputation (Ainsi soit-il) et une flopée de romans de gare grattés sous d’innombrables pseudos.
Malgré cette présentation dans une collection très bon marché (mythique Euréfif!), Larmes de sang s’avère très agréable à la lecture. L’intrigue policière ne casse pas trois pattes à un canard mais recycle avec un certain bonheur tous les éléments inhérents au genre français des années 50/60 : jolies pépés se transformant volontiers en vilaines garces, bagarres, alcool et ambiances un peu glauques.
Je renonce à vous faire un résumé de l’intrigue, à base de meurtres et de chantages mais sachez qu’elle est menée tambour battant et que l’écriture de Bastiani n’a rien de dégueulasse. C’est de la bonne littérature populaire, à base d’argot et de formules lapidaires qui emporte le spectateur et le préserve de tout ennui…

Il a déjà été fait allusion ici même aux œuvres estampillées Bébé noir et La Brigandine, incroyables maisons d’édition chapeautées par d’anciens situationnistes en sous-main pour le respectable Veyrier et qui publièrent un considérable catalogue de romans pornographiques aux titres en forme de calembours (L’épiée nue, la loque à terre, Sévices après vamps…) et aux contenus volontiers subversifs. A condition de respecter un quota minimum d’érotisme et de crudité, les auteurs avaient alors quartier libre.
Rétrospectivement, on se demande comment pouvait être accueillis par le public des « habitués » certainement peu habitué à ce que les ébats les plus chauds soient accompagnés de considérations anarchistes, anticléricales et utopistes !
Les deux titres que j’ai achevés ces vacances m’ont réjouis en tout point.

SOS mes deux seins est signé d’une certaine Elisabeth Bathory. Derrière l’hommage à la « comtesse sanglante », il faut voir la signature de Jean-Pierre Bouyxou qui gratta une bonne dizaine de romans pour ces éditions, sous divers pseudonymes (Claude Razat, Jérôme Fandor, Georges Le Gloupier, Georges de Lorzac…), les mêmes que l’on retrouvait d’ailleurs dans Fascination, la splendide revue qu’il dirigea quasiment tout seul le temps de 30 numéros.
Il s’agit là d’un polar féministe où la narratrice s’inquiète de voir ses amies enlevées et excisées par un mystérieux groupe. Entre quelques scènes érotiques plutôt bien troussées, Bouyxou en profite pour fustiger la police et renvoyer dos à dos les beaufs machistes et les féministes hystériques. Il fait l’éloge des amours saphiques et constelle son texte de jeux de mots foireux mais désopilants dans une atmosphère irrévérencieuse et libertaire.
Les quelques Bouyxou que j’ai pu lire auparavant me l’avait déjà fait pressentir : tous ses romans licencieux et anars méritent le détour !

L’Anne de Launay qui signe L’île aux délices n’est pas l’héroïne du marquis de Sade mais bel et bien Raoul Vaneigem qui s’est lui aussi amusé à pasticher de grands romans à la sauce polissonne (il écrivit une vie secrète d’Eugénie Grandet). Ici, l’auteur du Livre des plaisirs pastiche les romans d’aventures britanniques classiques en épousant trois points de vues successifs correspondant aux pages des journaux intimes respectifs d’un Lord, de la bouillonnante Kathe la rousse et d’une duchesse. Nous y suivons les escapades d’un bateau qui s’échoue sur une île et qui offre ainsi le loisir à l’équipage de créer une société idéale, uniquement fondée sur le désir et la jouissance. Très vite, on reconnaît les thèses de Vaneigem lorsqu'il stigmatise la société traditionnelle et ses piliers (la religion, l’armée etc.) et met en garde contre les velléités « planificatrices » des révolutionnaires (un très beau passage ridiculise de manière très drôle le communisme).
Comme les essais de Vaneigem, c’est à la fois roboratif et fort drôle, parfois un brin naïf (ce côté « tout est bon dans la nature, même les excréments ») et d’un utopisme fort joyeux.

Ces deux courts romans (les La Brigandine ne dépassent jamais 190 pages) prouvent que l’alliage entre le sexe et la subversion politique et sociale n’est pas contradictoire…

En revanche, Amour et voluptés de l’obscur Juan Mancéro (tout renseignement à son sujet sera le bienvenu !), que je n’ai acheté que pour la belle couverture signée Jef de Wulf est abominable d’un bout à l’autre.
Ce roman sexy de la fin des années 50 a tout du Harlequin, épicé d’un érotisme plus ronflant et ampoulé que réellement excitant. Mis à part le fait qu’il ne se passe strictement rien (quatre personnages se font des papouilles sur une plage pendant 225 pages), le roman est plutôt misogyne et ultra réac (voir le personnage du paysan un peu simplet qui parvient à satisfaire une des femmes uniquement parce que la nature l’a doté d’un bel engin !). Au 8ème degré, c’est assez drôle (« On dit que cela est tout l’art de la possession, mais possédée n’est qu’un féminin de circonstances, car c’est bien toujours le même qui fait les frais de cet échange et l’homme ne s’aperçoit pas qu’il joue constamment le rôle de la bête attirée dans les filets, appâtée par une viande qui peut prendre aussi bien la forme d’un sein, d’une croupe ou d’un sexe fallacieusement illuminé par un sourire qui lui masque le chausse-trappe dans lequel il tombera immanquablement. » Vous aurez souligné la finesse de la métaphore !).
Certains d’entre-vous connaissent-ils d’autres titres de la collection « Pocket sexy » des éditions Le pont-neuf ?

Pour finir, un ouvrage licencieux de Pierre Louÿs qui ne relève plus de la littérature de gare mais des Enfers des bibliothèques. Scènes de péripatéticiennes se compose de douze douzains de dialogues entres prostituées. C’est très cru, souvent assez drôle et assez représentatif des obsessions de Pierre Louÿs (nous n’échapperons ni à la scatologie, ni à la pédophilie). Ce n’est néanmoins pas son meilleur « interdit » (il s’agit d’ailleurs d’un texte inachevé).
Ces dialogues sont suivis d’un texte anonyme intitulé La guirlande de Priape, savoureux pastiche d’auteurs « classiques » (de Hugo à Morand en passant par Richepin, Rostand, Baudelaire et… Louÿs).
A réserver aux amateurs de curiosités…

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vendredi, décembre 26, 2008

Le père Noël n'est pas une ordure...




Et en exclusivité mondiale :

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samedi, décembre 20, 2008

Bibliothèque idéale n°49 : Rire

Les mémoires d’un vieux con (1976) de Roland Topor (Balland. 1976)

Eh bien nous voilà au terme de notre « bibliothèque idéale », opération débutée au mois de février cette année. Il n’est pas impossible que je me replonge un jour dans ce recueil de titres, quitte à m’obliger, par exemple, à lire les 10 premiers de certaines catégories (je sens que pour le polar ou la BD, je m’y mettrai !). En attendant, j’ai une pile d’une vingtaine de livres qui m’attend et nous terminerons donc en beauté cette opération avec la catégorie « Rire ».
Inutile de dire que je possède pas mal d’ouvrages dans le genre (de Swift à Woody Allen) et que je pourrais vous en conseiller un paquet (ne serait-ce que les auteurs cités dans l’anthologie de l’humour noir de Breton ou dans les dingues du nonsense de Benayoun).
La sélection des 49 ouvrages de la bibliothèque idéale est défendable même si l’on peut déplorer l’absence de Pierre Desproges (ses bouquins sont à pleurer de rire) ou d’humoristes moins célèbres mais non moins talentueux que les Courteline ou Ionesco (je pense à Cami, Tristan Bernard ou Georges de la Fouchardière).
Pour ma part, j’ai choisi Topor dont plus personne n’ignore (je l’espère, tout du moins) l’incroyable talent de dessinateur, ni l’humour qu’il a su apporter à la télévision (ses collaborations avec Ribes pour Merci Bernard et Palace, Téléchat…). En revanche, ses talents d’écrivain sont sans doute moins mis en valeur, même si Polanski porta à l’écran son roman Le locataire chimérique.
Comme son titre ne l’indique pas, Les mémoires d’un vieux con n’ont rien d’une autobiographie du cofondateur de la revue Panique. En effet, Topor se fait naître à la fin du 19ème siècle (ce qui ne le rajeunit pas franchement) et nous apprend, entre autres, qu’il a inventé le cubisme (Picasso a plagié son célèbre tableau Les demoiselles d’Orange), qu’il poussa Breton a inventer le surréalisme, qu’il fut l’ami d’à peu près tout le monde (de Kafka à Mac Orlan en passant par Cocteau et Matisse), qu’il écrivit le silence de la mer, Histoire d’O et collabora anonymement à certains ouvrages d’Anatole France et, qu’accessoirement, il tua Trotski par accident ! Nous le verrons également croiser les chemins de Mussolini, Hitler, Staline (atteint de flatulences) et même du docteur Petiot dont il souligne qu’il fut d’agréable compagnie !
A ce stade, tout le monde aura compris que ces pseudo mémoires sont une vaste fantaisie où Topor fait preuve de beaucoup d’humour et d’ironie. On peut voir derrière ce texte un pastiche de ces mémoires qui encombrent les rayons des librairies et où les auteurs ne cessent de se mettre en valeur en racontant leurs innombrables rencontres avec des célébrités. De fait, les mémoires d’un vieux con est un véritable catalogue mondain où presque tous ceux qui ont fait le 20ème siècle sont cités.
Mais davantage qu’une vaste parodie, je préfère voir dans ce livre un hommage sincère aux artistes qui ont accompagné l’existence de l’auteur, même s’il ne les a pas rencontrés. Qu’il imagine le jeune homme qu’il ne fut pas placé sous la houlette de Kafka n’est sans doute pas un hasard pour ce maître de l’humour noir et désespéré. Bien sûr, il raille quelques têtes d’affiche ridicules (Malraux, par exemple) mais c’est souvent une véritable affection qui se dégage des portraits fantaisistes qu’il trace des grands artistes du 20ème siècle (en s’appuyant d’ailleurs sur des détails véridiques, comme par exemple lorsqu’il écrit que Satie refusait toujours de recevoir ses amis chez lui, ce qui était vrai puisque le musicien vivait dans un minuscule studio…).
Joliment écrit, ce récit pétri d’humour et de fantaisie se lit d’une traite et donne envie de découvrir les autres ouvrages de Topor…

Pour la dernière fois, je vous pose la question rituelle : quels livres d’humour choisiriez-vous pour garnir votre bibliothèque idéale ?

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mercredi, décembre 17, 2008

Bibliothèque idéale n°47 et 48 : les sciences et Gourmandise

La formation de l’esprit scientifique (1938) de Gaston Bachelard (Vrin.2004)
Dictionnaire des appellations de tous les vins de France (1986) de Fernand Woutaz (Marabout. 1986)


Peu de temps pour descendre dans ma cave ces temps-ci. Néanmoins, l’opération « bibliothèque idéale » se poursuit tant bien que mal. Nous abordons aujourd’hui les zones turbulentes des catégories qui me sont le plus étrangères.
C’est peu dire que je suis un parfait béotien dans le domaine des sciences. Je n’en tire aucune fierté (avant oui, maintenant, j’ai tendance à le regretter amèrement) mais rien ne m’est plus étranger que la mathématique, la physique ou la chimie. Ayant trouvé accessible et très intéressant La psychanalyse du feu, j’ai opté pour un autre livre de Gaston Bachelard. Je ne l’ai pas trouvé toujours très simple mais il m’a néanmoins plus « parlé » que ne l’auraient fait sans doute les livres d’Einstein sur la relativité ou ceux de Darwin sur l’origine des espèces !
Avec La formation de l’esprit scientifique, le philosophe poursuit son travail de psychanalyse des « connaissances objectives ». Pour lui, l’esprit scientifique est un esprit qui sait utiliser l’erreur pour avancer et qui sait dépasser toute une série d’ « obstacles » pour parvenir à une abstraction nécessaire à la science. L’essai propose, à travers de nombreux exemples trouvés dans les pages d’auteurs des 17ème et 18ème siècles (que Bachelard définit comme de bons exemples de ce qu’il appelle l’esprit « préscientifique » ), un panorama des obstacles épistémologiques qui entravèrent la formation de l’esprit scientifique. Parmi ces obstacles, citons l’empirisme de « l’expérience première » ou la tentation de « généraliser » les connaissances (« Rien n’a plus ralenti le progrès de la connaissance scientifique que la fausse doctrine du général qui a régné d’Aristote à Bacon inclus et qui reste, pour tant d’esprits, une doctrine fondamentale du savoir. »).
Comme dans la psychanalyse du feu, Bachelard revient également sur les obstacles d’ordre animiste ou substantialiste qui empêchent, par un jeu d’images et de métaphores (plus ou moins conscientes) de parvenir à cette abstraction nécessaire à la science.
Je n’entre pas plus dans les détails, n’étant ni spécialiste de philosophie, ni des sciences. L’essai est néanmoins intéressant et plutôt convaincant.

Une des ambiguïtés de la « bibliothèque idéale » tient dans cette question : est-ce que les livres qu’il faut « absolument » avoir dans sa bibliothèque doivent être nécessairement lus de A à Z ? Pour les romans, la réponse me paraît évidente mais lorsqu’il s’agit de La Bible, du Coran ou de l’Encyclopédie, elle est plus incertaine ! Pour la catégorie « Gourmandises », j’ai acheté un Dictionnaire des appellations de tous les vins de la France qui, comme son nom l’indique, est davantage un guide pratique qu’un ouvrage à lire du début à la fin. Du coup, après une modeste tentative, j’ai renoncé à la lire entièrement. Je suis allé consulter, par exemple, la notice « Hautes-côtes-de-Nuits » où il est écrit « ce sont des vins remarquables et d’un rapport qualité/prix de même ! » ; ce que j’ai effectivement pu constater il y a peu en amenant une bouteille de cette cuvée pour un repas chez mon frère ! Maintenant, je doute que ce guide vieux de 20 ans soit toujours d’actualité aujourd’hui mais pour un néophyte comme moi, il me permettra d’avoir quelques bases lorsqu’il s’agira d’amener une bouteille en soirée !

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dimanche, décembre 14, 2008

Dernières nouvelles de chine...

Où l'on pourra constater que l'ami Losfeld nous a contaminé (un Eurédif!)...






En bonus, parce qu'il faut absolument en faire un best-seller :

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