La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

jeudi, octobre 16, 2008

Bibliothèque idéale n°43 : la philosophie

Manuel ( ?) d’Epictète (Rivage poche. 1994)


Vous allez dire que je me paye votre tête. Voilà un certain temps que je n’ai point donné de nouvelles de la « bibliothèque idéale » et je vous propose, en guise de retour, un ouvrage qui fait à peine…80 pages.

Ne croyez pas que la philosophie d’Epictète soit difficile à lire et que j’ai peiné pendant de longues semaines pour arriver au bout : je me suis juste dispersé dans mes lectures en terminant ces derniers temps la monumentale histoire du surréalisme de Gérard Durozoi, un livre sur Brel, le Pedro Paramo de Juan Rulfo et beaucoup de revues (le dernier numéro, inepte, des Cahiers du cinéma, le premier, splendide, de Cinérotica…).

Bref, me voilà de retour avec la catégorie « philosophie ». J’avoue ne pas avoir choisi la difficulté pour cette fois (mais j’ai tellement de livres qui m’attendent que j’ai hâte d’en finir avec cette « bibliothèque idéale » !) : ce manuel se composant de petites réflexions ne présentant aucun problème de compréhension (ce qui n’est pas toujours le cas lorsqu’on aborde la philosophie et son jargon) et formant un corpus où se dessine de manière particulièrement claire les principes de la philosophie stoïcienne.

« Si tu veux être libre, il ne faut avoir attrait ou répulsion pour rien de ce qui dépend des autres. Sinon on est forcément esclave ».

Voilà une formule qui résume à peu près la pensée d’Epictète et des stoïciens. La liberté n’existe nulle part ailleurs qu’en nous et seul un parfaitement détachement vis-à-vis des choses du monde peut nous conduire sur ces chemins de la liberté. Il s’agit donc, pour le philosophe, de renoncer à tout ce qui ne dépend pas de l’individu (les vicissitudes du corps, la gloire, la richesse, le pouvoir…) pour uniquement se concentrer sur des éléments sur lesquels l’individu a prise : sa volonté, ses désirs, ses opinions… Autrement dit :

« Conduite et caractère du philosophe : il n’attend avantage ou dommage que de lui-même ».

Plutôt que de vous faire une longue analyse de la philosophie stoïcienne (ce dont je serais bien incapable !), je vous propose de réfléchir aux enjeux « actuels » d’une telle pensée. Car d’un côté, ce stoïcisme peut apparaître comme une puissante preuve de force et de caractère (l’homme parvient à se blinder contre toutes les « agressions » extérieures puisqu’il a accepté de ne pas pouvoir les changer) et propose une ligne de conduite qu’il n’est pas idiot de méditer, en particulier lorsque Epictète énonce la vanité qu’il y a de vouloir imposer son opinion ou vanter sa philosophie avant d’en appliquer les principes. Réfléchissez ainsi au nombre de personnes à qui vous pourriez dire :

« Dans un dîner par exemple, ne raconte pas comment il faut manger : mange comme il faut. »

Inversement, et c’est l’hypothèse de Leopardi qui préface mon édition, le stoïcisme peut apparaître également comme un terrible aveu de faiblesse en ce sens qu’il est un éloge constant de la résignation. Puisque tu ne peux pas dévier la marche du monde, accepte-la et protège toi au fond de ton être. L’esprit romantique et révolté trouvera cette attitude un peu lâche et terriblement pernicieuse puisqu’elle ne pourrait être viable qu’à condition que tout le monde se comporte de la même manière (il est certain que les politiques actuels comptent sur le stoïcisme, assez frappant, de leurs administrés pour les plumer de plus belle !)

Voilà un vaste débat que je ne poursuivrai pas plus avant, vous laissant le soin, après vous avoir quand même recommandé ce très agréable petit Manuel, de me conseiller les ouvrages de philosophie que vous placeriez dans votre bibliothèque idéale…

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dimanche, octobre 05, 2008

Bibliothèque idéale n°42 : la politique

Le héros (1637) de Baltasar Gracián (Champ Libre. 1980)


La politique : voilà une catégorie qui m’attire plutôt mais où je connaissais déjà les grandes œuvres susceptibles de m’intéresser (Orwell, La Boétie, Stirner, Vaneigem…). Et puisque ce livre a été publié chez Champ Libre, j’ai opté pour le court texte du jésuite Baltasar Gracián Le héros.
Pas grand-chose à dire de ce très bref (80 pages) traité où l’auteur de l’homme de cour et de l’homme universel définit ce que doivent être, selon lui, les principaux caractère du héros. Chaque chapitre du livre correspond à une qualité nécessaire pour atteindre cet état héroïque : la tempérance (ne pas se laisser dominer par ses passions), les qualités de cœur et d’esprit, le goût « exquis », l’absence d’affectation…Si l’héroïsme cher à Gracián doit être l’objectif idéal des hommes d’Etat et de guerre, il doit concerner d’une certaine manière tous les « grands hommes » : hommes de lettres, magistrats, hommes politiques…

Le cheminement de la pensée de l’auteur lui permet de construire, pas à pas, le portrait du « héros », non sans un certain sens de la « stratégie » et de la ruse. Lorsqu’il conseille au héros de se « rendre impénétrable sur l’étendue de sa capacité » ou de parfaitement connaître sa « qualité dominante », il s’inscrit dans la lignée d’un Machiavel prêchant l’apparence et la dissimulation pour parvenir à ses fins dans le monde.
L’héroïsme a beau être également le fruit de la fortune, du hasard et du « je ne sais quoi » qui distingue le grand homme des autres, il doit aussi être cultivé par une certaine habileté politique (Gracián recommande de se « concilier l’affection de tout le monde ») et par la ruse.
Qu’ajouter à cela ? Que le héros pourrait n’être qu’un fastidieux guide de « bonnes manières » à l’usage des courtisans et « grands de ce monde » s’il n’y avait pas le style étincelant de Gracián. On sait que quelqu’un comme Debord appréciait particulièrement cette prose ciselée par un orfèvre capable d’exprimer sa pensée dans des phrases qui claquent comme des aphorismes et dont la concision recèle des abîmes de profondeur.
Pour la beauté de son style (plus que pour les conseils, encore que, son passage sur l’affectation m’a fait énormément penser au cinéma de Christophe Honoré !), les ouvrages de Gracián méritent d’être lus et relus…

PS : Il est bien entendu que je vous interdis de conseiller ici les innombrables livres consacrés à Nicolas et Carla dans cette catégorie « politique ». Toutefois, pouvez-vous me suggérer quelques titres dans ladite catégorie ?

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